• Au musée d'Orsay, des œuvres qui firent scandale

    Le bâtiment a été réaménagé en musée sur décision de Valéry Giscard d’Estaing et inauguré en 1986. À cet endroit, Il y avait un Palais édifié en 1810 par Bonnard à la demande de Napoléon I. Le bâtiment abrita d'abord le Conseil d'État puis la Cour des Comptes. Il a été détruit en 1871 par les Communards et le terrain a été racheté par la Compagnie Paris-Orléans pour construire une gare, qui fut inaugurée en 1900 pour l'Exposition Universelle.

     

    Au musée d'Orsay, des œuvres qui firent scandale

    C’est dans cette gare que, comme beaucoup d’autres prisonniers, mon père est revenu en mai 1945 du stalag XVIIA.

     

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     Sous le second empire, on aimait la peinture académique, comme par exemple «Naissance de Vénus» d’Alexandre Cabanel (1823-1889), présentée au Salon de 1863 (les salons permettaient aux artistes de se faire connaître et d’accéder à des commandes) et achetée par Napoléon III. Certains disaient que c’était une œuvre qui «charme et séduit sans exciter les désirs »
    Elle est en revanche critiquée par les artistes qui aiment une peinture plus réaliste, plus populaire, par exemple Huysmans qui la qualifie de «Vénus à la crème» et Émile Zola, ami de Manet, : "La déesse, noyée dans un fleuve de lait, a l'air d'une délicieuse lorette, non pas en chair et en os - cela semblerait indécent - mais en une sorte de pâte d'amande blanche et rose".

     

    «La principale malice de Cabanel, c'est d'avoir rénové le style académique. À la vieille poupée classique, édentée et chauve, il a fait cadeau de cheveux postiches et de fausses dents. La mégère s'est métamorphosée en une femme séduisante, pommadée et parfumée, la bouche en cœur et les boucles blondes. Le peintre a même poussé un peu loin le rajeunissement. Les corps féminins sur ses toiles sont devenus de crème.»

     

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    Au Salon de 1863, sur 5000 œuvres proposées, le jury en refusa 3000 ! Napoléon III créa alors le Salon des Refusés. Il n’eut lieu que cette année-là et fut remplacé vingt ans plus tard par le Salon des Indépendants où les artistes pouvaient exposer sans passer par l’accord d’un jury.

     

    Notre visite porte sur quelques œuvres qui firent scandale

     

    « Femme piquée par un serpent d’Auguste Clésinger (1814-1883), mari de Solange Dudevant et donc gendre de George Sand. La sculpture a été présentée au salon de 1847 et a fait scandale pour deux raisons. D’abord parce que la pose était considérée comme trop érotique, évoquant davantage l’orgasme que la douleur due à la morsure de serpent et la statue trop vivante (on voit la cellulite des cuisses) Et aussi parce que c’est un moulage d’après nature du corps de Apollonie Sabatier, muse de Baudelaire et maîtresse du commanditaire de l’œuvre.

     

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    Près de là, « la jeune Tarentine », sculpture d’Alexandre Schœnewerk (1830-1885) présentée en 1875 semble avoir reçu un accueil plus favorable. Elle illustre le poème d’André Chénier.

     

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    « L’enterrement à Ornans » de Gustave Courbet (1810-1877). Le tableau fut présenté au Salon de 1851. Les critiques furent très vives. Les dimensions de ce très grand tableau (3 m sur 7 m) étaient habituellement réservées à la peinture d’histoire et dans cette œuvre, Courbet élève le peuple au rang des grands de ce monde. Les critiques dénoncent la laideur des personnages (visages rougeâtres, mal rasés) et la banalité de l’ensemble, un événement tout à fait ordinaire avec des personnages très ordinaires. Le personnages, clergé, maire, franc-maçon, paysans, sont mis tous au même plan, quelle que soit leur condition sociale. En outre, les croque-morts, peu attentifs, semblent se moquer de cette cérémonie religieuse. Œuvre anti cléricale ? Symbole d’entente universelle entre les différentes couches de la société ? Enterrement de la Seconde République qui n’a duré que deux ans ?

     

    Plus en savoir plus :

     

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_enterrement_%C3%A0_Ornans

     

     

    http://www.musee-courbet.fr/wp-content/uploads/2019/02/05-Le-peuple-en-art.pdf

     

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    Une autre œuvre de Courbet (toujours censurée par facebook) « L’origine du monde » date de 1866. Le tableau a été caché pendant très longtemps, derrière le rideau vert de la salle de bain de son premier propriétaire, un diplomate turc, puis acheté par un Hongrois, il est dissimulé derrière un autre tableau de Courbet. Le tableau n’était montré qu’aux invités triés sur le volet des propriétaires successifs. Son dernier propriétaire, le psychanalyste Jacques Lacan la cachait derrière un tableau surréaliste d’André Masson. Ce n’est qu’en 1988 que le tableau apparaît au grand public à l’occasion d’une exposition à New York. Le tableau entre au musée d’Orsay en 1995.

     

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    Une troisième œuvre, au titre très long, « L’atelier du peintre, allégorie réelle déterminant une phase de sept années de ma vie artistique (et morale) », a été refusée à l’Exposition universelle de 1855, considérée comme vulgaire. En revanche, Delacroix et Jean-Jacques Henner étaient enthousiastes. Courbet fait édifier à ses frais une exposition personnelle. Au centre du tableau, Courbet s’est représenté avec son modèle et un petit berger comtois.À gauche, les pauvres, les exploités, les exploiteurs représentent la vie triviale. À droite, les bons,les amis, les travailleurs, les amateurs d’art. Dans ce tableau Courbet brise les codes et mêle les sujets religieux (saint Sébastien percé de flèches qui représente l’art académique), la nature morte, le paysage (Ornans), le nu, le portrait de groupe, l’autoportrait.

     

    À gauche, des personnages connus représentent des entités. Le ministre des Finances Achille Fould représente un juif avec une cassette, Louis Veuillot, journaliste catholique, représente un curé, Victor de Persigny, ministre de l’Intérieur représente un fripier qui propose des veix habits, un faucheur représente le monde agricole, un ouvrier repésente le monde du travail, Emile de Girardin, appelé le « fossoyeur de la République «  représente un croque-mort, le savant et homme politique Lazare Carnot représente un vieux républicain de 1793, et un chasseur au premier plan assis sur une chaise ressemble à Napoléon III reconnaissable à sa barbiche.

     

    À droite, au premier plan, on voit Baudelaire en train de lire représente la poésie ; un enfant qui lit représente l’enfance studieuse ; l’ami Champfleury assis sur un tabouret représente la prose ; derrière Baudelaire, Jeanne Duval, sa maîtresse de Baudelaire était à l’origine masquée dans un « repentir » à la demande de Baudelaire et on la voit maintenant, telle un fantôme ; au premier plan, c’est Apollonie Sabatier (celle « moulée » par Clésinger) et derrière elle, son mari, mécène de Courbet. Dans l’encoignure de la porte, un couple qui s’embrasse représente l’amour libre.

     

    Au centre de tout cela, Courbet apparaît comme le médiateur.

     

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    En 1832-34, Philipon, directeur du Charivari et de La Caricature, commanda à Daumier (1808-1879) 36 petits bustes en terracota coloriée. Ces portraits-charges, appelés « les célébrités du Juste Milieu » représentent des parlementaires orléanistes siégeant à la chambre des députés au début de la Monarchie de Juillet. L’année suivante, Daumier fit six mois de prison pour avoir représenté Louis-Philippe en Gargantua avalant des écus.

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    Fruchart,

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    Benjamin Delessert (qui a découvert qu’on pouvait faire du sucre à partir de la betterave ; c’était à l’époque du blocus anglais sous Napoléon et il fallait trouver quelque chose pour remplacer le sucre de canne),

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    Jacques Lefèvre, banquier,

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    Jean-Marie Harié, banquier,

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    Clément Prunelle, médecin,

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    Jean Pierre Viennet, académicien qui avait traité Victor Hugo d’« écrivain dégoûtant ».

     

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    « La petite danseuse », de Degas (1834-1971) présentée au Salon de 1881. Cette statuette d’un mètre de haut, en cire, était habillée d’un vrai tutu, chaussons de danse, ruban de coton. Le modèle était une petite danseuse de l’Opéra, Marie Van Goethem, dont les criques lui trouvaient des « allures vicieuses », présentant qu’elle finirait prostituée et syphilitique. La statuette de cire (et d’autres, également en cire) fut oubliée jusqu’à ce qu’après la mort de Degas, un fondeur en fit des statuettes de bronze. Cette statue a fait l’objet d’un roman de Camille Laurens , « la petite danseuse de quatorze ans ».

     

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    « Le déjeuner sur l’herbe » de Manet (1822-1883) fut refusé par le Salon de 1863, et présenté à nouveau en 1865, sous protection. Le tableau représente Eugène Manet, frère du peintre, en compagnie de Victorine Meurent, modèle.. Ferdinand Leehoff, artiste. À l’arrière-plan, Alexandrine Méley, la femme de Zola. Ce qui a fait scandale, c’est que les hommes soient habillés et la femme nue, dans un contexte de la vie quotidienne et non dans un thème mythologique. En outre, Manet ne respecte pas les règles de la perspective : Alexandrine est trop grande alors qu’elle est au dernier plan. Manet mélange les trois genres, ce qui ne se faisait pas : la nature morte (le repas), le portrait et le paysage.

     

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    Le tableau « Olympia » de Manet, présenté en 1865, a causé un scandale encore plus retentissant. Ce qui choque, c’est que le regard de la femme est dirigé vers le spectateur, qu’elle se montre volontairement nue et oblige le spectateur à la regarder. Le nu n’était toléré que dans des scènes mythologiques (la Vénus de Cabanel avait beaucoup de succès)0 Le chat noir représente la malédiction et la lubricité. « Olympia », à cette époque est synonyme de « cocotte ». Cette courtisane est-elle une prostituée ? Une demi-mondaine ? Le public a beaucoup critiqué également que le corps soit peu embelli, trop maigre(le modèle, Victorine Meurent, était surnommée « la crevette ». La pose est semblable à celle de « La Vébus d’Urbin » (Titien) et de « la Maja nue » (Goya).

     

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    « La danse » de Carpeaux pour la façade de l’Opéra Garnier

     

    En 1865, Charles Garnier demanda à Carpeaux de réaliser une des quatre sculptures pour la façade de l’Opéra. Carpeaux prend comme modèles des danseuses et actrices du palais Royal. Le groupe représente le génie de la danse jouant du tambourin et entouré de plusieurs bacchantes. En 1869, la sculpture est achevée et provoque immédiatement un scandale. Des habitués de l’Opéra sont scandalisés à l’idée que sa femme et ses filles puissent fréquenter un tel lieu. Quelqu’un lança même une bouteille d’encre sur la sculpture. Des pétitions réclamèrent le retrait de l’œuvre. Mais la guerre de 1870 éclata et on passa à d’autres préoccupations. En 1964, une copie-de Paul Belmondo, le père de l’acteur) remplaça l’original (celui que nous voyons au musée d’Orsay) pour le protéger de la pollution

    Au musée d'Orsay, des œuvres qui firent scandale

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    « Au conservatoire » de James Ensor (1860-1949). Le tableau date de 1902. Comme dans d’autres tableaux, Ensor se moque de la bonne société belge. À gauche, le violoniste Eugène Isaye. Au milieu Mme Servais et Mlle Flament. À droite, le compositeur François Auguste Gevaert. Sur la partition, sont des écrits des jeux de mots : He y hoto, trop haut, trop d’eau, trop d’os, trop tôt…. Même le nom de Walkyrie : Wal qui rit. Ensor adorait la musique mais se moque ici du culte wagnérien de ceux qui n’y connaissent rien. Au mur, un tableau représentant Wagner qui pleure de colère et se bouche les oreilles pour échapper à toute cette cacophonie. On voit aussi un hareng saur, cher à Ensor : hareng saur = art Ensor.

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    et aussi, Monet, la femme à l'ombrelle

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    le champ de coquelicots

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    et Renoir :

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  • Commentaires

    2
    Dimanche 27 Novembre 2022 à 10:09

    "Femme piquée par un serpent", c'est elle qui inspire l'artiste New-yorkais exposé actuellement à Orsay ( dont je parlais en ouverture de notre visite à l'exposition Munch.

    On y ira une fois ( hors nos expositions commentées) pour voir tranquillement les autres oeuvres.

    1986, c'est n'était plus Giscard... sauf si c'est lui qui l'a quand même inauguré...

      • Dimanche 27 Novembre 2022 à 14:36

        Merci Joëlle, j'ai rectifié mon erreur. Heureusement que ton esprit est plus acéré que le mien ! Merci.

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