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L'église de Mesley-le-Grenet, sa danse macabre et autres peintures
La visite de l’église s’est faite sous la conduite d’une dame, membre de l’association des Amis de l’église de Mesley-le-Grenet (3 €/personne). Si on n’a pas eu le temps de réserver, on peut voir l’intérieur de l’église à travers une vitre qui ferme l’entrée de l’église. Bonne idée mais frustrant de ne pas voir les peintures de près.
Les travaux de restauration de l’église et des peintures murales classées monument historique ont duré de 2006 à 2010, période pendant laquelle l’église a été fermée.
trace d'une ancienne fenêtre :
À l’extérieur, une croix marque l’emplacement de l’ancien cimetière.
Les murs du chœur et de la nef sont entièrement recouverts de peintures.
L’église primitive (chœur et nef centrale) date du XII è siècle.
Les pèlerins étaient nombreux au Moyen-âge (les saints Orien et Blaise, patrons de l’église avaient la réputation de guérir les bêtes et les hommes). Au XV è siècle, l’église, devenue trop petite, fut agrandie par le sieur des Grenet d’une nef latérale, au nord.
La voûte a été restaurée car l’église avait perdu sa toiture. Autrefois, elle était en lattes de châtaignier peintes. Les poutres du chœur datent du XII è siècle. La poutre de gloire avec Christ sépare le chœur de la nef.
Les engoulants sont en forme de dragon. « Il faut bourrer la gueule des monstres par la croix symbole de la chrétienté » Ce n’est pas le dragon qui avale la poutre mais la poutre de la chrétienté qui bouche l’entrée du Léviathan.
Les bancs clos étaient réservés aux gens qui payaient. Ce type de bancs existe aussi dans l’église d’Illiers.
Sur l’autel, sous le drap, il y a la pierre de consécration où sont gravées 5 croix, au centre et aux quatre coins. Elles représentent les plaies du Christ. À certains endroits de la danse macabre, se trouvent des croix dans un cercle peint en bleu. Je ne sais pas à quoi elles correspondent, j’en ai compté 7, ce sont peut-être des croix de consécration, cela en ferait donc douze avec les croix de l’autel.
Les peintures de la nef sont du XV è. Elles ont été découvertes sous le badigeon en 1864 puis restaurées peu après puis en 1942. Les peintres restaurateurs ont travaillé d’après les œuvres de Guyot Marchant et de Verard.
le tronc pour mettre des sous
Ces peintures ont été peintes un peu partout en France et en Europe, suite aux malheurs des guerres, de la peste noire de 1347 et de la famine. Certaines églises n’ont parfois que les peintures du dict des trois morts et des trois vifs, mais celle-ci a quatre sortes de peintures : la danse macabre, le dict des trois morts, le dict des bavardes (rare) et, apparemment unique, le dict de la mort du roi.
Un texte a été écrit par Jean Charlier de Gerson (1363-142). La première danse macabre peinte a disparu : elle date de 1424 et a été peinte dans le charnier des Saints innocents à Paris, sur commande du duc de Berry en mémoire à son neveu. En 1485, Guyot Marchant, éditeur parisien, a publié une danse macabre illustrée par une copie des peintures. En 1492, Antoine Verard, autre éditeur parisien, fait tirer des exemplaires sur velin du poème qui seront ensuite illuminés à la main.
La danse macabre est un défilé de personnages, chacun accompagné de son mort. Les personnages sont alternativement des ecclésiastiques et des laïcs et rangés par hiérarchie. La danse veut dire que tous sont égaux devant la mort, qu’ils soient riches ou pauvres. Une petite consolation pour les pauvres !
Autrefois, dans cette danse macabre de Mesley, il y avait 20 personnages, maintenant on n’en voit plus que 19.
La danse macabre se trouve dans la partie du bas du mur sud.
Au début, le récitant raconte l’histoire.
1 Le pape dont la mort porte le cercueil est coiffé de la tiare à trois couronnes car il a trois pouvoirs : pontifical, séculier, spirituel.
2 l’empereur, porte le glaive et le globe, symbole de pouvoir temporel
3 le cardinal en robe et chapeau rouges, il retrousse sa robe et montre sa chaussure et sa chaussette, allusion aux scandales des Borgia.
4 le roi tient la main de justice et le sceptre
5 le patriarche porte la double croix
6 le connétable avec sa grande épée, son casque, son armure
7 l’archevêque a des points sur ses gants pour rappeler les stigmates
8 le chevalier avec son grand manteau et bonnet vert
9 l’évêque coiffé de la mitre, sa crosse est tournée vers le peuple
10 le gentilhomme damoiseau
Sur le mur ouest qui suit, on remarque trois personnages aux traits efféminés, trois visages efféminés qui font penser au tableau placé sur le côté nord : « le sacrifice d’Abraham » (art sulpicien)
11 l’abbé dont la crosse est tournée vers l’abbaye
12 le bailli avec un bâton, symbole de la justice qu’il exerçait au nom du roi ou du seigneur
13 l’astrologue
14 - le bourgeois
15 le curé de campagne (je ne l’ai pas photographié)
16 le médecin et la mort regardent dans un bocal d’urine, c’était le seul moyen à cette époque de diagnostiquer les maladies
17 le laboureur porte une houe, une gourde et ses clés accrochées à la ceinture. Il est vêtu d’une tunique courte et de chausses. Il fuit la mort
18 l’enfant dans son berceau n’est pas épargné : un enfant sur trois mourait
19 l’usurier, il vendait du temps seul Dieu avait le droit
20 l’ermite ne se voit plus. Voici une représentation d’après photo ancienne
d 'après photo ancienne
Il faudrait avoir un bon appareil photo, ou de bons yeux, une bonne lumière pour mieux apprécier les détails , le drapeau du linceul du mort, les regards, la façon dont le mort saisit le vivant. Les morts gesticulent, croisent les jambes, sautillent. On croit entendre le cliquetis des os comme dans la danse macabre de Camille Saint-Saëns.
la mort a une grande faux empruntée à Saturne
Sous la peinture, un texte en vieux français raconte les paroles des morts et des vivants. Dans le petit livret en vente dans l’église sont reproduites certaines de ces paroles (avec la traduction) : le connétable, l’abbé, le médecin, l’enfant. Les droits étant réservés, je ne les indique pas ici. Le texte a sans doute été écrit par Jean Le Fèvre en 1376.
Le dict du roi mort : la peinture se trouve sur le mur d’entrée, à droite de la porte. le Roi est allongé par terre, la tête penchée vers la danse. Sa couronne a roulé par terre. C’est sans doute une représentation unique. Le récitant enroule le phylactère (qui se trouvait aussi au début, à droite du récitant), c’est la conclusion de la danse macabre.
Le dict des trois morts et des trois vifs. Il y en a 92 en France, parfois seuls, parfois associés à la danse macabre. Ici, la peinture est en deux parties, séparées par la fenêtre.
Les jeunes seigneurs partis à la chasse au faucon (à droite)sont abordés par trois cadavres qui sortent d’un cimetière (à gauche). Les trois morts reprochent aux trois vifs leur vie dissipée et insouciante et les exhortent à se repentir. Entre eux, à gauche de la fenêtre, l’ermite Saint Macaire attend le repentir des trois vifs.
le faucon avec son capuchon :
« Le dict des femmes bavardes » se trouve à gauche de la porte d’entrée. il y en a 4 en France : Mesley-le-Grenet, Parné-sous-Roc (Mayenne), Nonancourt (Eure), Champteussé sur Baconne (Maine-et-Loire).
À droite, on voit le diable Titivillus, démon des calligraphes. Autrefois, il se tenait derrière les moines pour leur faire faire des erreurs. Il devait rapporter à son maître mille péchés par jour. Lorsque la liste n’était pas assez longue, il tirait sur le parchemin pour l’allonger. Titivillus écrit les péchés des femmes.
Le diable de gauche met la main sur la tête d’une femme : elle a de mauvaises pensées. Il arrache le cœur d’une autre : elle a de mauvais sentiments.
Il y a d’autres peintures de ce genre dans la région : Alluyes, Amilly ( à l’ouest de Chartres), la Chapelle de Réveillon….
Les peintures du chœur datent du XIX è : le baiser de Judas, la flagellation, le portement de croix, la crucifixion, la descente de croix, la mise au tombeau. Statues de Saint Orien et Saint Blaise.
tableau : le sacrifice d’Abraham. Le fils d’Abraham est représenté (comme l’abbé de la danse macabre du mur ouest) dans le style sulpicien, mièvre et efféminé de la seconde moitié du XIX è siècle.
Une autre danse macabre à La Ferté Loupière CLIC ICI et à Cherbourg : CLIC
le dict des trois morts à La Ferté Loupière : CLIC
à Antigny : CLIC
à JOUHET : CLIC
le dict des bavardes à Parné-sous-roc : CLIC
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Commentaires
Grâce à tes magnifiques photos on voyage loin même à côté de... Chartres