Ferrare, les fresques du palais Schifanoia

21 Avril 2025

Le palais Schifanoia (suite)

Le salon de réception appelé salle des mois est la plus belle pièce du palais. Les murs sont recouverts de plus de 450 m² de fresques dont beaucoup ont été malheureusement endommagées, suite aux occupations diverses à la suite du départ des Este et au fait que certaines fresques ont été faites a secco.

Elles ont été réalisées très rapidement en1470 par un groupe important de peintres dans le but de célébrer la prochaine investiture de Borso (début 1471) comme duc de Ferrare par le pape Paul II qui voulait s’assurer de la fidélité des Este envers le pape contre les Vénitiens. Il était déjà, à ce moment-là, duc de Modène et de Reggio.

Borso d’Este (1410-1471) était un mécène (notamment de Piero della Francesca) ; il a contribué au développement des ateliers de tissage, tapisserie, médailles, marqueterie, à l’assainissement de la plaine du Pô et c’est ce qu’il a voulu montrer dans ces fresques. Il a voulu aussi montrer que, bien que fils illégitime de Nicolas III d’Este, il était rompu aux règles de chevalerie. Il est mort peu après la création de ces fresques et son successeur a été Hercule I, un de ses demi-frères.

Borso d'Este

Les fresques ont été exécutées a fresco pour le mur est et une partie du mur nord ; les autres murs, moins bien conservés, ont été peints a secco, en détrempe sur murs secs.

À la lumière des chandelles, les personnages peints semblaient bouger.

Les fresques représentent les mois de l’année, chaque mois étant partagé en trois registres. En haut, le triomphe de la divinité de l’Olympe qui gouverne le mois, au milieu le signe du zodiaque entouré de ses décans, sur fond bleu, symbole d'éternité ; en bas le gouvernement du duc d’Este. À travers les scènes des travaux des champs, du port fluvial, de l’artisanat, on a voulu représenter la prospérité économique et le « bon gouvernement » d’un état politique idéalisé. Les fresques mélangent la mythologie antique aux faits contemporains pour célébrer la magnificence de Borso.

Les paysages et personnages des fresques étaient reconnaissables par les gens de cette époque et en même temps, ils sont transfigurés par des références antiques et humanistes.

On commence par le mur sud et on tourne dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

Mur sud (peintures abîmées)

Borso est proclamé duc de Ferrare (attribué à Baldassare d’Este)

Janvier : en haut : triomphe de Junon (ou de Janus?) ; au centre : le Verseau ; en bas : proclamation de Borso comme duc de Ferrare

au milieu, un tournoi

la cour du château d’Este

Février

en haut, triomphe de Neptune ; au milieu, les Poissons ; en bas, couronnement de Borso

des cavaliers

Mur est

il a été peint par Francesco del Cossa.

de droite à gauche : mars, avril, mai

Mars :

en haut : triomphe de Minerve. Le char est tiré par deux chevaux blancs. Sur le côté gauche, un groupe de lettrés lisant et discutant. À droite, un groupe de femmes en train de tisser. Ce motif est associé au mythe d'Arachné (Arachné avait défié Athéna à une épreuve de tissage. Vexée la déesse la transforma en araignée). Cette fresque mettent en avant l'investissement du duc de Ferrare dans l'organisation de l'université et l''industrie textile.

Au milieu, le bélier est surmonté du Printemps et de la Sagesse ; à gauche la Paresse en costume déchiqueté et à droite l’Activité.

l'Activité :

la paresse :

En bas ; à droite, face à un élégant édifice avec des blasons, des putti et des médaillons, Borso administre la justice ; à gauche il part à la chasse avec ses chiens et ses faucons sur un fond de paysage et de paysans en train de tailler la vigne.

Avril :

en haut, triomphe de Vénus, couronnée de roses et habillée à la mode de l’époque. Son char est tiré par des cygnes, glissant sur les eaux d’un fleuve. Les bateaux évoquent le commerce fluvial. Elle célèbre sa victoire sur Mars en armure enchaîné et agenouillé (allusion à la paix que le duc avait ramenée dans la cité). Sur le fond, des rochers fantastiques avec les trois Grâces. Sur le pré au bord de la mer, des lapins blancs, symboles de fertilité, des chardonnerets, des osiers, des grenadiers. Tout cela montre que la ville de Ferrare est un paradis. Autour du char, des jeunes élégants jouent de la musique, parlent d’amour et s’embrassent.

Au milieu, le Taureau est surmonté d’un homme qui tient dans sa main droite la clé du Printemps ; à gauche le Bonheur maternel et à droite la Débauche.

en bas : Borso revient à la chasse avec ses cavaliers ; course du Palio derisorio de Saint Georges à Ferrare avec dames et chevaliers à la fenêtre. J’aime beaucoup le fauconnier assis sur le rebord de la corniche. Au cours des fêtes, on faisait courir nus à pied ou sur des ânes les prostituées, les nains et les juifs contre des chevaux montés par des jockeys ; à droite Borso donne une pièce de monnaie au bouffon de cour Scocola

le palio :

Borso donne une pièce au bouffon

Mai :

en haut : triomphe d’Apollon sur un char conduit par Aurore. Il est entouré des neuf muses, de poètes et de putti. Il tient un globe. Apollon est représenté avec ses attributs : le trépied de la Pythie, les lauriers et les éperviers.

Au centre, les Gémeaux surmontés par un homme agenouillé qui écoute un joueur de flûte ; à gauche, un homme enseigne à un jeune homme les règles de la poésie et de la musique ; à droite un homme muni d'un arc et de flèches montre des fleurs et des fruits dans les plis de son manteau

en bas : scènes rurales avec des paysans fauchant

Mur nord

cavaliers :

juin (à droite) et juillet :

juin :

en haut : triomphe de Mercure (attribué à un anonyme surnommé « le maître aux yeux ouverts »). Son char est tiré par deux aigles. À gauche, des musiciens et des marchands coiffés de turbans et vêtus de longs manteaux, rappel des échanges engagés avec l'Orient ; à droite, magasins de chaussures et mercerie ; un loup et un singe (symboles du commerce) ; la nymphe Io transformée en génisse, Argus décapité.

Au centre : le Cancer représenté par une langouste, surmonté par la Justice qui juge une âme de forme humaine ; à gauche la Malchance (ou la Folie?), à droite, le Vol.

en bas : Borso et son cortège ; il va recevoir un cadeau ; les travaux des champs en juin aux environs de Ferrare et du Pô ; port fluvial ; soldats à pied et à cheval.

Juillet :

en haut : triomphe de Jupiter. Au centre il est sur son char (orné des armes d’Este) tiré par deux lions et il est accompagné de Cybèle, déesse de la terre et de la fécondité. À gauche, mariage d’un couple (celui de Blanche, sœur de Borso, avec Pic de la Mirandole), à droite des prêtres qui chantent et des chevaliers armés. L'historien Warburg pense qu'il s'agirait des prêtres de Cybèle et les Corybantes qui firent beaucoup de bruit pour cacher les pleurs de Zeus et le soustraire au cannibalisme de son père Saturne (Cronos). Mais cela aussi être une allusion aux chevaliers de Borso, prêts à aller combattre les Turcs en Orient ou des soldats envoyés au pape.

Au centre : le Lion surmonté d’un homme qui représente le Pouvoir. À gauche, la Modération, aplatie entre un chien et une tourterelle ; à droite l’Avidité.

en bas : au centre, Borso reçoit une feuille d’un paysan ; à gauche il regarde des paysans qui travaillent le chanvre ; à droite, il est à cheval sous une arcade avec quatre cavaliers

août :

triomphe de Cérès, déesse des moissons, sur un char traîné par des dragons. En arrière plan, le rapt de sa fille Proserpine par Pluton, ses servantes se lamentent. À gauche, les labours et à droite la moisson.

Au centre : la Vierge. Au centre, le Calcul ; à gauche la Providence ; à droite la Prière ou la Gratitude.

la Providence :

Borso d’Este reçoit des ambassadeurs et part à la chasse. Les paysans font piétiner les gerbes par les chevaux.

Septembre :

en haut : triomphe de Vulcain sur le char de la Sensualité tiré par des singes. À gauche, sa forge où quatre cyclopes forgent une armure ; à l’entrée de la forge, un écusson avec Remus et Romulus. À droite, sa femme Vénus est allongée sur un lit avec Mars qu’elle embrasse (Vulcain les vengera en les enfermant dans un filet magique et en appelant les dieux de l’Olympe). Une autre interprétation : c’est Mars avec la nymphe Ilia d’où naîtront (selon Ovide) Remus et Romulus.

au centre : la Balance surmontée par une femme agenouillée, peut-être la Chasteté. À gauche, la Pureté, à droite la Licence des mœurs.

en bas : Borso d’Este reçoit un patricien vénitien, peut-être Paolo Morosini envoyé pour discuter de la question des frontières du Polesine de Rovigo. À droite, départ pour la chasse ; au fond, scènes de vendanges