Nous sommes allés deux fois à Loigny-la-Bataille : une fois avec l'Amicale des Anciens et Anciennes de l'Ecole normale (d'où un premier article le 2 décembre 2019) et dernièrement, en mars 2020 (juste avant le confinement) avec un groupe d'amis, d'où cet article modifié.
Le 2 décembre est une date riche en événements :
2 décembre 1804 : sacre de Napoléon, 2 décembre 1805 : Austerlitz, 2 décembre 1851 : coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte. 2 décembre 1852 : proclamation du Second Empire.
2 décembre 1949 : convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui.
2 décembre 1959 : rupture du barrage de Malpasset
et le 2 décembre 1870 : bataille de Loigny
Actuellement, à Loigny-la-Bataille (Eure-et-Loir) un musée moderne retrace l’histoire de la guerre de 1870 en France et plus particulièrement dans la région d'Orgères.
La visite, commentée par un guide passionnant, a duré deux heures.
Dans le musée, le guide nous explique à l'aide de cartes interactives les causes de la guerre, la progression des armées. Vous connaissez le début, la dépêche d'Ems, la tuerie de Gravelotte, une des batailles les plus meurtrières du XIX è siècle. Les balles et les obus pleuvaient si dru qu'on en a fait une expression "ça tombe comme à Gravelotte". Puis c'est la bataille de Sedan, Napoléon III fait prisonnier (c'est le quatrième souverain à avoir été fait prisonnier. Les autres ? Louis IX en 1250, Jean le Bon à Poitiers en 1356 ("Père gardez-vous à droite... disait son fils) et François I à Pavie en 1525).
Puis la capitulation de l'Empereur, proclamation de la République, le siège de Paris, le gouvernement à Tours, l'armée de la Loire...
Le 2 décembre 1870 a eu lieu une terrible bataille à Loigny (en Eure-et-Loir), renommé depuis Loigny-la-Bataille.
35 000 Prussiens sont côté nord, de la Maladrerie à Lumeau.
40 000 Français sont côté sud, à Villepion, Nonneville, Terre Rouge, Faverolles (le restaurant « Aux Zouaves » nous avait servi un bon repas, lors de notre visite à Loigny, avec l’Amicale des anciens de l’École Normale).
Entre les deux zones, se trouve Loigny-la-Bataille et c’est là qu’ont eu lieu une terrible bataille le 2 décembre 1870. . Chaque rue, chaque quartier, chaque impasse, chaque maison, chaque cave, étaient à défendre.
Les Français étaient les Mobiles de l’Armée de la Loire et 300 Zouaves pontificaux commandés par Louis-Gaston de Sonis et Athanase de Charette de la Contrie (le petit-neveu du général Charette des guerres de Vendée).
Pourquoi des Zouaves pontificaux participaient-ils à cette bataille ? En 1860, des Français, commandés par Charette, sont allés combattre au côté des états pontificaux au moment de l'unité italienne. Licenciés, ils reviennent en France et Charette propose ses services au gouvernement français qui accepte à condition que le nom soit changé en Volontaires de l'Ouest. Charette considère que la guerre de 1870 est une punition divine en réaction aux fastes de l'Empire et à l'abandon du Pape par les Français.
La bataille était mise sous le signe de la religion, c'est un message christique pour le rachat des fautes des hommes : communion avant la bataille, bannière du Sacré-Cœur déployée par Charette. En une journée il y eut 9 000 morts. Il faisait froid, il neigeait.
Cette bataille fut récupérée au point de vue politique et religieux et parfois appelée « bataille de Patay » en référence à la bataille de Patay gagnée par Jeanne d’Arc le 18 juin 1429.
Dans le musée, on voit des costumes : ceux des Prussiens avec les armes et les casques à pointe. Ceux des moblots, troupes mobiles, (les soldats de ligne étaient appelés « lignards ») et des zouaves pontificaux.
Il y a aussi des documents sur l’hôpital de campagne. Le château de Villeprévost (on peut le visiter en été), célèbre pour avoir été la demeure du juge Fougeron (celui qui a jugé les chauffeurs d’Orgères), est à cette époque réquisitionné par les Bavarois et transformé en hôpital de campagne (on l’appelle ambulance »). Dans une vitrine, il y a une scie pour les amputations, des fers pour cautériser les plaies, des outils pour extraire les balles. On opérait les blessés sur les billards des cafés ou des maisons bourgeoises, ce qui a donné l’expression « passer sur le billard » (par la suite, cette expression a pris un autre sens : pendant la guerre 14/18, le billard était l’espace entre les tranchées d’où les expressions monter sur le billard (sortir de la tranchée pour attaquer), rester sur le billard (mourir) et passer sur le billard (être opéré sur place)
Nous passons maintenant dans l'église contiguë au musée. L’église votive Saint-Lucain a été construite en 1871, par souscription, pour remplacer l’église détruite pendant la bataille.
Des tableaux et des peintures murales évoquent les épisodes de la bataille.
Deux tableaux ont été exécutés par Lionel Royer. Il a 17 ans au moment de la bataille et s’est engagé dans les zoauves pontificaux. On le connaît surtout pour son tableau patriotique représentant Vercingétorix déposant ses armes au pied de César (César = Kaiser). Dans le même ordre d’idée, un tableau représentant Jeanne d’Arc. Il est trois heures du matin, en ce 2 décembre 1870 quand les soldats reçoivent la communion des mains du Père Doussot, dominicain, aumônier du 1 er bataillon du général de Sonis.
Cela se passe en l’église de Saint-Péravy-la-Colombe.
1 – le général Sonis
2 – commandant de Troussures,
3 : le colonel de Charette,
4 : le marquis de Cloislin, 67 ans, c’est le plus âgé du bataillon
5 : le peintre Royer lui-même, le plus jeune.
Au-dessus (6) la Foi donne la bannière du Sacré-Cœur au général de Sonis.
" L'agonie du général de Sonis" (tableau de Royer)
1 – le général de Sonis
2 – la vision de Sonis
3 – Fernand de Ferron venu mourir sur l’épaule du général de Sonis
4 – le commandant de Troussures, achevé à coups de crosses
5 – ambulanciers prussiens
6 – l’église et le village de Loigny en flammes
Le soir du 2 décembre, le général est blessé sur le champ de bataille. Le général de Sonis passa la nuit, dans la neige, à rassurer les blessés. Recueilli le lendemain, il affirma avoir reçu le secours de la Vierge. Était-ce en esprit ? Véritable vision ? Il refusa de répondre. On l'amputa de la jambe gauche. Il mourut en 1887.
Vingt tables de marbre indiquent les noms de 750 soldats tombés de Loigny. C'est peu comparé aux 9000 victimes de la bataille. Il s'agit des soldats identifiés lors de l'identification de la chapelle mortuaire en 1874. Les noms des Volontaires de l'ouest sont gravés sous les vitraux. En l'an 2000, des drapeaux allemands ont été ajoutés aux drapeaux français sur la voûte d'entrée de la chapelle. Dans le musée, un diaporama insiste sur la nécessité de l'amitié entre les peuples.
La visite en intérieur se termine dans la crypte où se trouve un ossuaire (1140 morts) ainsi que les tombeaux de De Sonis et Charette et celui du curé de Loigny.
tombeaux de De Sonis (à droite) et Charette (à gauche) :
ossuaire
La visite se poursuit en extérieur en autonomie, nous louons une tablette. L'application nous fait revivre les combats à différents endroits :
Guy laisse travailler les copines :
dans le cimetière (disparu ainsi que l'église)
, la croix de Sonis,
les indulgences, ça existait encore ...
le château de Villepion,
le bois des Zouaves.
Nous sommes allés ensuite voir le monument à Neuvilliers, dressé en hommage aux Mobiles (les Moblots) de la Haute-Vienne de la division du général Morandy. Il se trouve sur les lieux de la bataille. Dessous, reposent les restes de 1100 soldats français et 40 prussiens.
à l'horizon : l'église de Loigny
À 20 km de Loigny, se trouve un autre monument qui commémore la lutte des habitants de Civry et Varize et l’incendie des villages (octobre 1870) et en mémoire du combat soutenu par les Francs-Tireurs de la Gironde et de Paris (29 novembre 1870)
quelques sites :
https://www.laguerrede1870enimages.fr/page286.html
https://www.loire1870.fr/pages/pa_div/sl.htm
extrait de "Mobiles de la Mayenne" : https://www.loire1870.fr/pages/pa_pdf/mlamp1870_doc_ope_9994.pdf
https://www.loire1870.fr/pages/pa_mobile/mobile66.htm
un livre : "Augustin, ma bataille de Loigny" de Jean-Louis Riguet (aucun lien de parenté avec nous.
un livre pour les enfants : Le piège de l'ossuaire (Gérard Streiff) qui se passe dans l'ossuaire de CHampigny/Marne, où il y a également un musée.
La débâcle (Émile Zola)