Nous quittons Kastoria et prenons le bus pour nous rendre tout à l'ouest, aux confins des Balkans, entre Grèce, Albanie et République de Macédoine du Nord. C'est le parc de Prespa dont deux lacs sont classés comme réserve de la biosphère de l'UNESCO depuis 2012.
Il y a deux lacs (on dit Prespes au pluriel) entourés de montagnes : Megali Prespa (le grand) qui est partagé entre la Grèce, la République de Macédoine du Nord et l'Albanie) ; il n'est pas loin du lac d'Ohrid, partagé entre l'Albanie et la République de Macédoine du Nord (nous y sommes allés en 2022). Le Mikri Prespa est le petit lac au sud du grand ; il appartient à la Grèce et l'Albanie. Autrefois, les deux n'en formaient qu'un. Du fait de l'eutrophisation, une bande de terre alluviale les a séparés. De même les boues ont rétréci le Mikri Prespa du côté de l'Albanie.
Nous sommes près de la frontière avec la République de Macédoine du Nord. Héléna nous explique les problèmes liés au nom de Macédoine. Par exemple la salade macédoine est un terme français apparu au 18 ème siècle, en raison du mélange de populations dans cette région. En 1922, après la chute de l'empire ottoman, des échanges de populations eurent lieu, les gens devant quitter leur maison pour aller vers les pays correspondant à leurs ethnies.
En 1912, la Macédoine a été partagée entre la Serbie, la Grèce et la Bulgarie. Le territoire de l'actuelle république de Macédoine, annexé par la Serbie, s'appelait la Macédoine du Vardar. La Macédoine des Vardars regroupait des provinces macédoniennes et des provinces serbes (le Vardar est un fleuve qui coule en République de Macédoine du Nord et, sous le nom d'Axios, en Grèce). En 1945, Tito crée la "république socialiste de Macédoine", une des six républiques fédérées constituant la République fédérative socialiste de Yougoslavie, cette appellation n'étant pas contestée par la Grèce étant donné qu'elle ne concernait pas un état souverain.
Lors de l'éclatement de la Yougoslavie, en 1991, la région a obtenu son indépendance, ce qui a posé le problème du nom car la Grèce estimait que le nouvel état s'appropriait l'héritage grec en s'appelant République de Macédoine. En 2018, par le traité de Prespa, le pays s'appelle officiellement « république de Macédoine du Nord », au niveau national comme international. Il faut également changer les livres d'histoire qui disent que les Macédoniens du Nord sont les descendants d'Alexandre le Grand.
Pour nous rendre dans l'île Agios Achilleos (sur le petit lac), nous empruntons un pont flottant de un km de long qui s'étire entre les roseaux. Il n'y a plus que deux familles dans l'île, beaucoup de maisons sont abandonnées (21 habitants en 2011). Les enfants utilisent le pont flottant pour aller à l'école, avant ils y allaient en bateau.
Nous faisons un petit parcours jusqu'à la basilique de Saint Achille.
Sur la colline, l'église Saint Achille
et de l'autre côté l'église Saint Georges dont nous n'apercevons qu'une petite tourelle.
Les chèvres, les vaches et les buffles d'eau nous surveillent de loin. Ils vivent en liberté.
Le bubalus bubalis est appelé buffle d'eau. C'est un pléonasme en français car un buffle ne peut être que d'eau. Il n'y a pas de buffle de terre en français (le buffle d'Afrique est appelé "syncerus"). Mais en anglais, le buffle d'eau est traduit par water buffalo, ce qui est correct car buffalo veut dire aussi bison. Les buffles sont arrivés avec Xerxès pour transporter son armée à travers la rivière Strymon. Ils ont le poil noir, le nez long et étroit, de petites oreilles et de grandes cornes.
Les vaches naines sont propres à la région. Elles ont le poil brun noir, le nez long et étroit avec un anneau blanc au bout du mufle.
foulque macroule
poissons du lac, certains endémiques
La région a été conquise fin IX è siècle par le tsar bulgare Siméon Cometopoulos. Plus tard, vers 980, son descendant Samuel Cometopoulos s'empara de Larissa et rapporta les reliques de saint Achille (IV è siècle), évêque de Larissa. Pour abriter les reliques, le tsar fit construire la basilique qui prit le nom de Saint Achille, de même que l'île. Pendant l'occupation ottomane, la basilique a été abandonnée. Des fouilles ont été effectuées en 1950. La basilique est très grande, le pouvoir royal voulait montrer sa puissance. C'est une église à trois nefs, sans coupole. L'iconostase de marbre séparait le sanctuaire des nefs. Il y a deux parabemata (chapelles où l'on prépare le pain et le vin avant leur bénédiction). Le mur est encore debout. Au milieu, se trouvent les restes du siège de l'évêque. Les peintures murales du XI è et XII è sont au musée de Florina.
Nous revenons à Psadarès pour le déjeuner (libre). Le nom du village vient de "pêcheur" (psaras). Il est peu peuplé et il y a peu de restaurants ouverts. L'un d'eux, sans doute le restaurant Lazarus nous accueille pour un déjeuner en terrasse : la truite du lac, accompagnée de frites et de haricots géants de Prespa, est excellente. Les chats et les chiens attendent une part de poisson.
Helena propose, en option (10 € par personne), de faire une balade sur le lac Megali Prespa. Pas en barque de pêcheur mais en barque rapide. Je n'aime pas beaucoup descendre ou sortir des barques mais cela se passe bien. Et la balade sera magnifique ! La barque va très vite, on s'emmitoufle.
Le lac appartient à l'Albanie (20 %, 10 villages), à la République de Macédoine du Nord (60%, 25 villages) et à la Grèce (20%). Il alimente le lac d'Ohrid, en Macédoine du Nord, situé plus bas, par eaux souterraines qui ressortent au niveau du monastère Saint Naum (visité en 2022). Nous voyons quelques oiseaux, des cormorans pygmées, et au loin, des pélicans, peut-être des pélicans frisés (trop loin pour les prendre en photo). Le but de la balade est surtout de voir les ermitages creusés dans la falaise, parfois ornés de fresques.
Les ermitages datent du XIII è, XIV è, XV è siècles et abritaient plusieurs ascètes (4,2 ou même 7). Certaines peintures murales à l'intérieur ont été détruites par la pluie. Des icônes se trouvent maintenant au musée de Florina. Les ascètes mangeaient du poisson et des herbes. Ils buvaient l'eau du lac qui est toujours potable.
au loin, macédoine du Nord
Nous sommes de retour de bonne heure à Kastoria. L'hôtel est très calme, le chant des oiseaux remplace le bavardage des gens. C'est le moment d'écrire des cartes sur le balcon de la chambre.
Le dîner pris à l'hôtel est délicieux : apéritif local, aubergine rôtie, chou farci, porc et frites, glace et Ktayef (gâteau au miel avec des "cheveux d'ange").