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La maison-musée de Raymond Devos, à Saint-Rémy-lès-Chevreuse
La maison de Raymond Devos est devenue musée en 2016. Elle se situe à Saint-Rémy-lès- Chevreuse.
Le couple Devos n’avait pas d’enfants, donc pas d’héritiers. Au départ, Raymond Devos ne voulait pas de musée ni de fondation. Et puis, il est allé au Canada visiter l’île de son ami Félix Leclerc qui lui a expliqué qu’une fondation était une façon de perpétuer l’œuvre d’un artiste. Il a donc légué sa maison mais aussi l’argent nécessaire pour faire les travaux.
C’est une maison-musée dans le sens où certaines pièces sont restées en l’état (la bibliothèque, du moins en partie, le grenier, le bureau) mais on y a mis aussi des vidéos afin que les visiteurs puissent visionner les sketches. L’esprit de Devos est conservé et la maison a obtenu le label de Maison des Illustres.
Joanna Rémy, notre guide, nous attend sur le perron, armée du brigadier. Ce bâton tient son nom de la brigade (synonyme de troupe de théâtre). La tradition de frapper les trois coups avec le brigadier s’explique par plusieurs hypothèses : les trois coups représentent la Trinité, ou bien le salut au roi, à la reine, au dauphin (ou à la cour) ou annoncent tout simplement le spectacle. Avant les trois coups, le régisseur pouvait frapper une série de coups rapides : neuf (les Muses), onze ou douze (les apôtres avec ou sans Judas). C’était plutôt pour s’assurer que tous les machinistes étaient prêts : y répondaient un coup venu des cintres, un coup venu du dessous de scène, un coup venu des coulisses. Raymond Devos aimait beaucoup le théâtre de Molière.
Nous entrons dans la maison, la villa Hiéra. Raymond Devos l’a achetée en 1962 et il y a vécu avec sa femme Simone Béguin jusqu’à leur mort. Elle en 1999 et lui en 2006.
Nous passons d’abord dans un petit corridor où sont exposés diplômes et récompenses. Ce dont il était le plus fier c’est d’avoir obtenu le Certificat d’Études. Ses parents ayant subi des déboires financiers, il a dû travailler à 13 ans. Il n’a jamais voulu entrer à l’Académie Française, s’estimant inférieur à toutes ces personnes érudites. Mais la soif de savoir le tenaillait et, avec ses premiers salaires, il se payait des cours de musique.
Parmi les récompenses, une statuette (qui évoque les formes de l’humoriste) offerte par la ville de Monnaie (près de Tours). En 1988, la ville lui demande d’être le parrain du Festival du Rire. Le 14 octobre 1989, il vient pour baptiser la salle du foyer rural. L’année suivante, sont lancés les Devos de l’humour.,
Le salon. C’est là qu’il reçoit ses amis. La bibliothèque évoque la Comedia del’Arte. Les fenêtres s’ouvrent sur le jardin de un ha. Devos adorait regarder les animaux venant dans le parc, oiseaux, canards, chevreuils….
Raymond Devos est né le 9 novembre 1922, à Mouscron, dans le château des Tourelles, en Belgique. Les ancêtres de son père Louis étaient originaires du Pas-de-Calais. Les ancêtres de sa mère, Agnès Martin, étaient originaires d’Ille-et-Vilaine (Vitré) et de la Mayenne. Jusqu’à 9 ans, il a eu une enfance aisée puis son père ayant fait de mauvaises affaires, ce fut la misère. La famille déménagea à Paris et connut une existence misérable, changeant régulièrement d’appartement.
« J’ai commencé par la faim »
Raymond Devos garda sans doute de cette période le goût des choses simples, il meubla simplement sa maison de Saint-Rémy. Il enchaîna les petits boulots : libraire, marionnettiste, livreur et mireur d’œufs chez un crémier (d’où l’importance des œufs dans ses sketches).
Pendant la guerre, il doit partir à Berlin dans le cadre du STO.
Puis, il suit les cours de Jacques Fabbri, au Petit Colombier. C’est dans la troupe de Jacques Fabbri qu’il rencontra sa femme, Simone Béguin. Elle avait 47 ans, c’est-à-dire 11 ans de plus que lui, ils se marièrent en 1959. Pour lui, elle abandonna sa carrière et sans elle, il n’aurait pas été ce qu’il est devenu. Elle s’occupait de tout. Il était insomniaque, il se levait pour aller travailler dans son bureau à trois heures du matin. Il réveillait Simone pour lui jouer les sketches. Simone mourut en 1999, il ne se remaria pas, même s’il vécut avec Françoise Mauck, son éditrice, pendant quelques années. Elle meurt en 2003.
Un jour qu’il suit la troupe à Biarritz, il demande où se trouve la mer :
« La mer est démontée . Vous la remontez quand ? ». Le comique de l’absurde est né.
Il commence à jouer dans les cafés-concerts, fait la première partie de Maurice Chevalier.
Dans la bibliothèque du salon, se trouvent des photos et des livres.
Photo de Simone Beguin, sa femme.
Emplacement consacré à Dany Boon, « Bon anniversaire, mon fils » En 2003, Dany Boon s’est marié avec Yaël Harris pour qui il s’était converti au judaïsme. Lors du mariage, c’est Raymond Devos qui a occupé la place de son père (alors décédé).
Brassens, son grand ami avec lequel il avait beaucoup de points communs
Avec les frères Taloche à la pêche, au bord de l’Yvette qui traverse le parc. Il les avait connus lors d’une résidence à laquelle participaient les humoristes dans sa propriété.
Son livre favori était le dictionnaire, il s’y référait sans cesse et y trouvait une source d’inspiration pour jouer sur le sens des mots.
Son auteur préféré était Gaston Bachelard, auteur qui a beaucoup théorisé à propos de l’univers de l’imaginaire.
Il était émerveillé par l’univers du cirque depuis l’enfance. Il était ami avec Zavatta et Gruss. Très musclé et très souple, il pratiquait les barres parallèles et l’art du cirque. Il était funambule aussi : dans un film de François Reichenbach, on le voit marcher sur un fil.
Des vidéos sont à la disposition des visiteurs. Nous regardons «La raison du plus fou », de Reichenbach,
avec Pierre Richard.
« Rien, trois fois rien » :CLIC
« Yoyo », je n'ai pas trouvé de vidéo
Mais je vous mets celle-ci que j'adore : le verbe ouïr
Au mur, un agrandissement d’une photo de tous les célébrités de l’époque. Sous la photo, le début de « L’artiste »
Sur une mer imaginaire, loin de la rive ....
L'artiste en quête d'absolu,
joue les naufragés volontaires ...
Il est là debout sur une planche qui oscille sur la mer.
La mer est houleuse et la planche est pourrie.
Il manque de chavirer à chaque instant.
Reconstitution de sa loge. IL se maquillait avec soin.
Salle de musique, au premier étage
Il a toujours beaucoup aimé la musique. C’était une histoire familiale. Tous les dimanches après la messe, ses frères et sœur et lui chantaient, Sa mère jouait du violon et de la mandoline, son père de l’orgue et du piano, son oncle de la clarinette.
Il savait jouer de 17 instruments, ses instruments préférés étant la clarinette, la mandoline et surtout la guitare.
À 80 ans, il prenait encore des cours de harpe. Pour son sketch « Poète et paysan », il entre sur scène juché sur un tracteur tirant une harpe. L’idée lui en est venue en voyant une herse renversée derrière un tracteur dans un champ. Il imagine alors un paysan passant du monde de l’agriculture au monde de la culture grâce à un siège pivotant entre le tracteur et la harpe. Un mécanisme fixé sur la harpe permettait le balancement d’une pipe au bout d’un fil.
La musique accompagnait tous ses spectacles. Pendant les intermèdes musicaux, il était accompagné par les pianistes Jean-Michel Thierry puis Hervé Guido. Cela permettait aux cerveaux des spectateurs, mis à rude épreuve par les jeux de mots, de se reposer !
Le clairon en si bémol : C’est au théâtre Antoine en 977 qu’il a joué du clairon pour la première fois. Il était fasciné par le côté obsédant de cet instrument qui ne produit que quatre notes. Son sketch « le clairon » parle d’un cérémonial guerrier. « Pour un clairon, la guerre c’est une belle sonnerie. »
La flûte traversière. Au début des années 1990, contraint à l’inaction pour des problèmes de santé, il s’initie à la flûte traversière. Il l’emmenait dans ses bagages et répétait chaque jour. Des images le montrent en train de jouer dans Central Park, à New York, en 1995. « J’ai pensé à cet instrument pour évoquer les clowns des cirques ».
La clarinette. Pour Raymond Devos, « la clarinette est l’instrument primitif qui a subitement évolué ». Il a pour elle, une véritable passion. En 1943, il part en Allemagne pour le STO, il emporte avec lui une clarinette ayant appartenu à l’un de ses oncles maternels, l ‘abbé Martin. « Dans une telle situation, on n’emporte que ce sui est essentiel. ».
La guitare, offerte par Brassens. C’est en 1948 que Raymond Devos prit ses premiers cours de guitare, instrument qui le suivit ensuite dans tous ses spectacles, souvent en contrepoint d’un sketch. Cette guitare lui a été offerte en 1972 par Georges Brassens qui a ajouté, à l’intérieur, une dédicace. « Pour les 50 ans de Raymond Devos avec ma vieille amitié »
Nombreux instruments proviennent du monde du cirque :
le tambour. À 53 ans, il a un véritable coup de foudre pour le tambour. Après une formation accélérée à la Société musicale de Saint-Rémy, il transforme le tambour en instrument de mathématiques dans « Je roule pour vous », créé en 1977 au théâtre Antoine.
le kazoo était souvent utilisé par les clowns mais aussi par Brassens et Annie Cordy. Il lui permettait d’apostropher son pianiste sur scène. Un ruban adhésif noir sur l’embouchure protégeait les dents.
La scie musicale est souvent utilisée par les clowns. Il s’avance sur scène, une scie et un archet à la main. Il s’assoit, coince la poignée de la scie entre ses genoux, courbe la lame d’une main et approche l’archet enduit de colophane et interprète un morceau de musique classique ! « Le clair de lune » dans le sketch « Le clou »
Le concertina anglais. Inventé en 1829 par le physicien britannique Sir Charles Wheatstone, le concertina est l’instrument des clowns par excellence. Raymond Devos aimait à faire rire avec cet « instrument de l’alternance » qu’il introduisit dans ses spectacles à partir des années 1980. Il en possédait plusieurs de tailles différentes. Il alla jusqu’à imaginer un long « concertinachenille » avec deux soufflets collés l’un à l’autre dont il ne put finalement sortir une seule note. Avec son concertina, il interprétait « La Marine » de Brassens en duo avec son pianiste Hervé Guido. Le ruban adhésif rouge sous les touches évitait aux doigts de glisser.
photo de Joëlle (lien vers son blog en fin d'article)
Il aimait inventer des instruments à partir d’objets du quotidien. Un tuyau d’arrosage trouvé dans le jardin lui inspira la clarinette molle, il inventa le cor de chasse "déroulant", instrument loufoque qu'il avait inventé en réponse à la boutade de son ami Georges Brassens: "Tu as un souffle à dérouler les cors de chasse".
La clarinette molle : Inspiré par les créations surréalistes de Dali, cet instrument est la cristallisation de la folie. Mais elle était parfaitement fonctionnelle et il l’a utilisée jusqu’à la fin des années 1970, notamment pour jouer « Plaisir d’amour ».
L’instrument le plus modifié est le trombone. Ce trombone avait été acheté par Georges Brassens pour son propre usage. Ne parvenant pas à en jouer, il l’a offert à Raymond Devos, qui a imaginé de le transformer en trombone à tout faire et a confié cette tâche à un luthier. L’instrument possède trois coulisses et trois embouchures. : la première pour un fonctionnement classique, la deuxième pour gonfler un ballon en caoutchouc et la troisième pour souffler dans une langue de belle-mère. Un support de partitions suit les mouvements de la coulisse et peut être déplacé sur celle-ci, grâce à un moulinet de canne à pêche. Sur scène, accompagné par son pianiste, il interprète ainsi « La symphonie déconcertante »
Le tuba. Élève au collège du Sacré-Cœur de Tourcoing, il applaudit des clowns en train de jouer « Mon Paris » (Lucien Boyer, Jean Boyer et Vincent Scotto, 1925) au tuba. Il va utiliser cet instrument sur cène dans les années 1970. Accompagné au piano par Jean-Michel Thierry, il joue « Mon manège à moi » (Jean Constantin,1958), il alla jusqu’’à imaginer un sketch où il coifferait le tuba d’un chapeau et le comparerait aux courbes sensuelles d’une femme.
Le vibraphone. Voici un objet étrange. Instrument de musique ? Machine à bulles ? Non, les deux. Imaginée par Raymond Devos, cette machine actionnée par son pianiste, enveloppait l’artiste de bulles, créant une atmosphère fantaisiste pleine de poésie.Il utilisait alors des mailloches à bouts rouges pour jouer, animer le nez du clown et percer les bulles. Son vibraphone ayant beaucoup voyagé, il est trop fragile pour être présenté , vous découvrez un instrument d’étude dont se servait l’artiste.
La mandoline à double table. Il a découvert la mandoline grâce à sa mère, qui en jouait régulièrement.Touché par son petit son aigrelet, il l’a utilisée à ses débuts.Ne sachant pas très bien en jouer, il s’en servait alors comme d’une cloche , qu’il balançait par le manche. Il l’a rapidement remplacée par la guitare.
Dans le bureau, on voit tous ses objets. Il écrivait toujours au stylo plume à l’encre bleue sur des feuilles de papier à petits carreaux. Perfectionniste, il retravaillait beaucoup ses textes. « Le penseur » lui demanda 7000 pages de brouillon. Il mit 20 ans pour l’écrire.
Au deuxième étage, le grenier était son domaine et on y retrouve tous les objets qu’il aimait : les nez rouges de clowns, le costume de scène avec le nœud papillon et les bretelles, le tracteur et la herse de « Poète et paysan ». Une voix se fait entendre et c’est Raymond Devos lui-même qui nous présente les objets de son grenier.
Nous terminons par le premier étage où une petite salle, genre cabinet de curiosités, présente quelques jeux qu’on peut manipuler et une salle de spectacle où passent des sketches.
J’ai acheté : « Quand j’ai tort, j’ai mes raisons », de Bernard Friot et Colcanopa. Un livre avec quelques sketches et des jeux. Des QR codes à scanner permettent d’écouter les sketches.
Blog de Joëlle pour d'autres photos et explications : articles : CLIC , CLIC, CLIC et CLIC
le site du musée : CLIC
récapitulatif de la journée :
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Commentaires
Je n'ai qu'un mot Monique
FE LI CI TA TIONS
pour cet époustouflant article...
( et je m'aime bien sur ton petit dessin )