-
Le Cyclop de Jean Tinguely
Article mis à jour (photos de 2015, 2017, 2018 et 2022)
Le Cyclop se trouve au cœur de la forêt près de Millyy. Pour y arriver, une fois qu’on a quitté la nationale et qu’on s’est garé, il faut continuer à pied, tourner à gauche (compter 15 min de marche).
En ce jeudi 6 octobre, c’est la cinquième fois que nous visitons Le Cyclop.
Jean Tinguely et Niki de Saint-Phalle habitaient à Soisy-sur-École, dans les environs de Milly-la-Forêt. En 1969, Jean Tinguely décida de construire une sculpture monumentale. Pour cela, il acheta un terrain dans le bois des Pauvres à Milly. Le maire lui conseilla de ne pas déclarer la construction de cette sculpture car l’autorisation aurait été refusée.
La construction commença en 1969 et dura de nombreuses années. Jean Tinguely fit appel à des amis artistes. Au début, ils étaient 5 : Luginbühl, Seppi Imhoh, Rico Weber, Suisses comme Tinguely et bien sûr Niki de Saint Phalle. L’annonce qui demandait un soudeur précisait qu’il devait être Suisse et savoir jouer au jass, jeu de cartes proche de la belote. C’est Seppi Imhoh qui fut choisi pour faire le quatrième au jeu. Par la suite, dix autres artistes ajoutèrent leurs œuvres dans le Cyclop : Arman, César, Bouveret, Podesta, Ève Aeppli, Pierre Marie Lejeune, Jean Pierre Raynaud, Larry Rivers, Jesùs Rafael Soto, Daniel Spoerri.
ET aussi, hommages à Yves Klein, Marcel Duchamp, Louise Nevelson, Kurt Schwitters
Le projet fut entièrement financé par Tinguely et Niki. Tinguely avait prévu que cette œuvre devrait être ouverte au public (les enfants montaient par l’escalier en colimaçon,fermé maintenant, et redescendaient par la langue-toboggan. Le projet connut bien des déboires, vandalisme, travaux inachevés… Tinguely envisagea de transférer la structure dans le parc de Saint-Coud mais le Cyclop resta finalement à Milly. En 1987, malade, il décida de donner l’œuvre à l’État qui finança l’achèvement des travaux. Tinguely mourut en 1991 et Niki se chargea de terminer la sculpture.
L’inauguration eut lieu en 1994 en présence de François Mitterrand et Jacques Toubon (la plaque d’inauguration, créée par Philippe Bouveret, est spéciale : elle est contenue dans un cadre en verre et pour la faire apparaître, il faut dissoudre dans l’appareil un cachet d’aspirine. Allusion aux longs discours officiels lors des inaugurations, qui causent un mal de tête et nécessitent une migraine !).
La visite de cette sculpture est guidée (elle dure en principe 45 min, mais souvent la (le) guide déborde, pour notre plus grand plaisir!) ). Autrefois, nous achetions nos billets dans un ancien camion de pompier, acheté par Pierre Marie Lejeune et remplacé maintenant par une boutique, sans doute plus fonctionnelle, mais moins jolie !
La visite commence par le tour de la sculpture, dans le sens contraire des aiguilles d’une montre : la tête, l’œil et la langue, puis les rouages, puis le mètre et la bouche d’aération, le wagon, l’oreille et l’arbre.
La sculpture mesure 22 m de haut et pèse 350 tonnes d’acier et de béton. Elle représente une tête pourvue d’un œil unique qui bouge dans tous les sens, d’une langue pendante d’où s’écoule de l’eau et d’une énorme oreille de deux tonnes, conçue par Bernhard Luginbühl, qui bougeait autrefois.
l'œil :
la bouche :
la langue :
l'oreille :
Le conduit a été récupéré sur le chantier du centre Pompidou.
Elle a été construite autour de quatre grands chênes qui s’y intègrent.
Tout est noir ou gris ou rouillé à l’extérieur sauf une grande jauge créée par Jean-Pierre Raynaud, et qui donne la mesure de la sculpture : 22,50 m.
La tête est recouverte par endroits de miroirs (une idée de Niki de Saint-Phalle) restaurés en 2022. Avant, les 62 000 miroirs étaient protégés par un filet. Ils ont tous été remplacés et brillent de mille feux.
les miroirs avant restauration :
couverts de lichens :
après restauration :
Il y a aussi des compressions de César faite avec des restes de chantier,
une broyeuse de chocolat en hommage à Marcel Duchamp et à son ready-made « La Mariée mise à nu par ses célibataires, même »
des moulages en plâtre de Rico Weber pour se moquer des gisants en marbre des rois et montrer que tout est éphémère. Là, les gisants sont en plâtre et se détruisent peu à peu. Ils ont le sourire, sont vêtus de bleus de travail et chaussés de bottes de chantier.
Tout en haut, un grand wagon de dix tonnes, en porte-à-faux à 15 m au-dessus du sol, représente les wagons qui conduisirent les déportés dans les camps. Ce wagon n’a pas servi à la déportation. Il date des années 30 et a été acheté par Michel et Marina de Grèce, amis de Niki de Saint-Phalle. Dedans il y a des mannequins en soie blanche et habillés de velours marron confectionnés par Éva Aeppli. Tous semblables, tristes, blafards et squelettiques, ils représentent les déportés, souvenir qui hante l’artiste.
les rouages :
Après avoir fait le tour de la tête, nous pénétrons dans la tête. Il y a trois étages et après on peut accéder au toit.
Le Cyclop est fermé par plusieurs portes mais toutes, sauf une, sont fausses et faites pour tromper les « pénétrateurs ». La vraie porte, fixée en hauteur, s’abaisse à l’inverse d’un pont-levis sur la deuxième , quadrillée de lourds barreaux noirs et qui évoque un coffre-fort suisse (elle a été faite par Luginbühl, Suisse comme Tinguely, Rico Weber et Seppi Imhoh. Sur le côté, très visible, une porte en béton, (créée par Luginbuhl en hommage à Louise Nevelson), incrustée de bois, est fausse.
Les photos interdites à l’intérieur.
Le premier étage est éclairé par l’avant de la tête. Le carrelage, conçu par Niki, est fait de damiers noirs et blancs (allusion à la passion de Tinguely pour les courses automobiles) et de miroirs dont l’un, en forme de cœur évoque l’amour de Niki pour Tinguely.
On peut taper sur des objets pour faire du bruit (vieux bidon, disques en métal provenant de machines agricoles…).
Une sculpture représente un immense et faux tableau électrique en résine. Il a été conçu par Rico Weber et présente les noms des artistes et des ouvriers qui ont participé à l’élaboration de l’œuvre.
Dans une niche, se trouve une représentation moléculaire de la pilule abortive RU 486 mise au point par le professeur Baulieu.
Le deuxième étage est éclairé par l’arrière du crâne. Au centre, trône une colonne très colorée de Niki de Saint-Phalle avec des miroirs, des têtes de mort mexicaines et des protubérances (cornes d’abondance qu’on peut toucher en faisant un vœu). Les céramiques proviennent de son Jardin des Tarots, en Toscane.
La bouche d’aération donne sur le vide et à l’intérieur, une grande tête de mort, nommée Incitation au suicide prévient du danger.
Au centre de la pièce, le Pénétrable sonore, (une sculpture de Jesùs Rafael Soto) est formé par des tiges métalliques qui pendent. Depuis toujours, j’avais envie de pénétrer dedans. À l’intérieur, un espace vide permet de s’arrêter et d’écouter le tintement des tiges. C’est beaucoup plus mélodieux quand on est à l’intérieur qu’à l’extérieur où les tiges s’entrechoquent en un bruit d’enfer.
À la sortie du Pénétrable, on se trouve devant la MétaHarmonie, créée par Tinguely. C’est un énorme assemblage de roues de machines agricoles de toutes tailles (qui représentent le cerveau). Quand il se met, il actionne l’oreille, un énorme marteau qui fait un bruit d’enfer et s’abat sur une enclume, les fauteuils du théâtre du troisième étage. Des billes énormes (les neurones , les émotions et les pensées du Cyclop) se mettent en mouvement et glissent dans des tubes (comme les billes du loto !). Ça grince, ça tourne, ça rugit, c’est démoniaque, irritant, fascinant… On se croirait dans la forge d’Héphaïstos et des Cyclopes. Un grand tableau est fait de gants de chantier, usés et utilisés dans le chantier (sculpture de Arman).
Nous montons au troisième étage. Dans les vitrines de l’escalier, sont exposées des œuvres de Podestà (artiste dont nous avons vu des œuvres à La Fabuloserie).
On peut s’asseoir sur des sièges hétéroclites (sièges de tracteur, de rameur, tabourets…) qui bougent, montent, descendent, sont inclinés. C’est la Méta-Harmonie qui les anime.
Et on regarde un spectacle créé par Philippe Bouveret : l’histoire d’un énorme marteau amoureux d’une dame-jeanne. Il réfrène son amour pendant un moment mais à la fin, il n’en peut plus et il s’abat sur la bouteille. Tinguely avait prévu que cette bouteille devait exploser en aspergeant les pieds des spectateurs. Trop difficile à réaliser. La dame-jeanne se cache dans le sol et ressort quand le marteau se relève.
Près de là, une sculpture de Niki de Saint-Phalle représente un homme qui lit son journal, indifférent au drame qui se joue près de lui.
Au même étage, des dessins sur plexiglass de Larry Rivers évoquent mai 68 (les manifs, les CRS, Daniel Cohn-Bendit, Ni Dieu ni mètre...).
La chambre de bonne où Daniel Spoerri habitait à Paris (et où il hébergeait Tinguely et Eva Aeppli) est présentée mais à la verticale. On est placé dans la position de voyeur, on change de point de vue pour découvrir la vérité.
Plus loin, des mannequins en soie dans le wagon dont j’ai parlé tout à l’heure, faits par Eva Aeppli (première femme de Tinguely) sont un hommage aux déportés.
Enfin, sur le toit, un grand bassin rempli d’eau reflète le ciel bleu, en hommage à Yves Klein et ses monochromes.
En redescendant, on aurait pu jeter un coup d’œil par une lucarne qui éclaire la chambre où logeaient Tinguely et Niki pendant les travaux.
Quand nous redescendons, un autre groupe est en train de visiter, ce qui nous permet de voir les billes dévaler à toute vitesse, les rouages se déplacer, tourner...
un peu plus loin, dans le bois, des structures sont installées temporairement :
Manuel Scano Larrazabal (en 2017)
cette année, une voiture qui se met à faire du bruit quand on approche :
Un livre très intéressant (photos des éléments intérieurs) : Le Cyclop (texte de Virginie Canal, Isthme éditions)
-
Commentaires
Lien vers l'article de mon blog, de juillet 2013, parlant du Cyclop
http://lescarnutes.blogspot.fr/2013/07/dimanche-2.html
Les billets suivant et précédant parlent des 2 autres visites faites sur Milly ce jour là
Un moment fort que cette visite pour nous également...
Nos places sont prises pour Vélazquez et JP Gaultier au Grand Palais (billets jumelés...)
Bonne fin de WE
A chaque endroit, on découvre quelques choses d'insolite, j'aime ces artistes un peu fou !
Merci pour ce partage Monique
Bon dimanche
Bisous bisous
Merci du tuyau ! Je pense que tout le monde peut y trouver son compte chez nous. Sauf peut-être ... ma maman .... Bizz et bon dimanche
Ajouter un commentaire
Une visite à Milly-la-Forêt, c'est toujours plein d'émotions!!! Je ne suis pas passée depuis longtemps lire les amies... je continue vite mon tour de blogs... Bon dimanche!