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Le musée des émaux et l'église à Briare
Pour bien comprendre la visite du musée des émaux de Briare, il faut d’abord s’intéresser à la vie du créateur de l’usine des émaux : Jean-Félix Bapterosses (1813, Bièvres- 1885, Briare) qui se fera ensuite appeler Félix Bapterosses, d’où les initiales FB apposées sur ses créations.
D’origine modeste, Bapterosses fut d’abord mécanicien. C’était un inventeur précoce qui s’intéressait plus particulièrement à la mécanique (fusil se chargeant par la culasse, projet de machine à vapeur). Il part en Angleterre où il visite des usines de céramique et de boutons. Ces boutons de céramique sont fabriqués à l’unité et, de retour en France, JB invente une presse pouvant fabriquer 500 boutons à la fois. Il met au point une pâte à boutons plus souple en ajoutant du lait (idée de son frère, chimiste), invente un moule qui permet de surveiller la cuisson des boutons. Pour éviter les contrefaçons, il imprime ses initiales sur les objets fabriqués.
Il construit d’abord une usine de boutons à Belleville, puis à la Muette et s’installe enfin à Briare en 1851. C’est l’endroit idéal : une voie d’eau (la Loire et le canal) pour le transport des matières premières et des produits manufacturés, de grands terrains pour son projet d’extension de l’usine de faïencerie qui existait depuis 1838 mais périclitait à cause de la notoriété de la faïencerie de Gien, et enfin une main d’œuvre abondante. Bapterosses ne produit plus de faïence mais des boutons (les Anglais avaient été ruinés à cause de la fameuse machine à boutons de FB), des perles et des émaux.
Le musée que nous visitons actuellement était la maison de FB jusqu’en 1865 puis une usine jusqu’en 1994 , date à laquelle elle fut transformée en musée.
Félix Bapterosses a eu trois filles et un garçon. Celui-ci, Léon (1859-1886) partit aux Etats-Unis mais son associé fut emprisonné et Léon revint en France où il mourut peu de temps après, sans descendance. Le nom de Bapterosses disparut donc de cette branche (le frère aîné de Félix ne se maria pas).
L’aînée des filles, Marie-Louise, se maria à Raymond Bacot, polytechnicien. Leur fils, Jacques Bacot, fut un géographe et explorateur spécialiste du Tibet. Deux filles, épousèrent des cousins Chodron de Courcel, ce qui donnera une branche Chodron de Courcel ( Bernadette Chirac est l’arrière petite-fille de Félix Bapterosses) et une branche De Becdelièvre.
La seconde fille Bapterosses, Blanche, épousa Alfred Loreau, sorti de l’Ecole Centrale et Jeanne, la troisième fille, épousa Paul Yver, polytechnicien.
Les trois gendres dirigèrent tour à tour l’usine des émaux. Ils firent construire ou agrandir un château : les Yver achetèrent Trousse-Barrière décoré de vitraux signés Harpignies (ce château est actuellement un centre d’expositions), leur fils acheta le château des Roches et les Loreau s’installèrent au château de Beauvoir. Le plus beau château était celui de Beauvoir acheté en 1880 par le couple Loreau puis agrandi. De style Louis XIII, il y avait des écuries, une orangerie, une chapelle privée, une soixantaine de pièces, quarante domestiques. Mais, difficile à entretenir, il fut laissé peu à peu à l’abandon et fut même en partie incendié dans les années 1970. Un promoteur immobilier l’acheta, le rasa et en voulut en faire des lotissements, ce qui apparemment ne se fit pas..
château de Trousse-Barrière :
Félix Bapterosses, ses gendres (qui accolèrent le nom de Bapterosses à leur propre patronyme) et leurs descendants marqueront la ville de Briare. On peut dire que Bapterosses appartenait à Briare comme Briare lui appartenait. Le stade s’appelle Yver-Bapterosses, le square porte le nom de Frédéric Bapterosses (c’est le frère, chimiste) des rues et avenues s’appellent Bapterosses, Loreau ou Yver. La place de la République s’appelait autrefois Bapterosses.
Félix Bapterosses pratique le paternalisme industriel (pratique courante au XIX è siècle : Michelin, Schneider, Menier, les toiles de Mayenne à Fontaine-Daniel…)
Le patron vit sur le lieu de production et entretient des relations de type « familial » avec les ouvriers plus ou moins contraints d’adopter ce système. Cela ne se limite pas à la vie de travail mais aussi à la vie familiale, notamment en veillant aux bonnes mœurs. Les ouvriers en tirent certains avantages : ils sont logés, reçoivent un potager (je ne sais pas si c’était le cas à Briare), pour leur subsistance mais aussi pour les occuper pendant les temps libres, ce qui les éloignera de l’alcoolisme et du socialisme. Les règlements sont stricts et les devoirs des ouvriers sont nombreux. L’ouvrier dépend de l’entreprise dans tous les domaines. À Briare, on veille aux bonnes mœurs, les hommes et les femmes ne se côtoient pas dans les ateliers, car la promiscuité pourrait ralentir la production. L’église fut construite par les gendres Bapterosses et la présence à la messe était obligatoire. Bapterosses et gendres créèrent une société de secours mutuel pour les ouvriers puis pour les Briarois. Il fit construire des écoles, l’hôpital Saint-Jean, une maison de retraite. Ils firent donner des cours de natation aux enfants des ouvriers puis aux Briarois.
Bapterosses était apprécié de ses salariés (il y eut 10 000 personnes à ses funérailles). Il employait énormément de personnes à l’usine mais aussi à la briqueterie, zinguerie, imprimerie. Il racheta la ferme de Rivotte pour produire les 500 litres de lait journaliers nécessaires à la fabrication de la pâte à boutons.
acte de décès de Bapterosses, Briare
Il y avait aussi des emplois pour les dames et les enfants, les personnes âgées dans les villages environnants (150 à 200 personnes par village) : elles cousaient les boutons sur des cartons.
La population passa de 2500 habitants à son arrivée en 1857 à 5000 habitants à sa mort. Bapterosses et ses gendres tinrent des postes politiques : maires, conseillers généraux...
Dans le musée, les photos sont interdites. J’en ai trouvé quelques-unes sur le net.
Nous commençons par la salle Art déco. Il y a de nombreuses mosaïques : des portraits de Goya et Rubens, le coq exposé dans de nombreux Salons.
Dans la salle du fond, sont exposées des mosaïques modernes : Vasarely, Agam,
Les tesselles, déjà préformées, sont recouvertes de feuilles d’or. On utilisait aussi des émaux « crête de coq » déjà coupés mais plus chers. Une mosaïque (dessinée par Eugène Grasset, le dessinateur du logo du Petit Larousse, du caractère d’imprimerie Grasset et de bien d’autres dessins et affiches) représente une femme en train de couper des émaux
Les émaux sont en calcine, mélange de sable, de roches cristallines et de fondant. Ils sont soit teintés dans la masse, soit recouverts d’un vermis. Les premiers sont plus résistants et plus chers, on les trouve dans les aéroports, les gares, les piscines, Mc Do Saint-Lazare...
les seconds sont plus fragiles car on passe seulement un émail de couleur sur le biscuit blanc. Moins chers, on les trouve surtout chez les particuliers. Un m² en carrés de 2 cm sur 2 cm coûte 55 €.
La salle suivante porte le nom d’André Détriché, un ouvrier qui a commencé à travailler à l’usine à 11 ans. Il a eu peur que des choses se perdent au cours des différents déménagements et il a pris en photos les documents. Des photos des ouvriers aux différents postes de travail, des boutons, des perles, une machine pour recouvrir les boutons, des touches de machines à écrire, des pions de lotos, des yeux de nounours...
L’usine produisait jusqu’à 1 400 000 boutons par jour, ce qui ruina la production anglaise. Les boutons avaient différentes formes et usages : à trous, à tige, boutons de manchettes, boutons de col, boutons de bottines … La production a cessé dans les années 1970 car les machines à laver le linge cassaient les boutons en pâte de verre qui ont été remplacés par des boutons en plastique.
mes boutons Bapterosses :
À partir de 1864, l’usine produisit des perles en pâte de verre. Les produits étaient exportés en Europe, Amérique mais surtout en Afrique (c’était la période de la colonisation avec Savorgnan de Brazza). Le port des perles avaient plusieurs fonctions : esthétique, commerciale (on pratiquait le troc, un sac de perles permettait d’acheter une femme), sociale (on pouvait distinguer l’importance de la personne, son clan, rien qu’en regardant les colliers ou ceintures de perles.
cela semble être des perles Bapterosses :
Les perles étaient également utilisées pour fabriquer des couronnes mortuaires
Nous terminons la visite par le visionnage d’une vidéo expliquant la fabrication des émaux. Dans le couloir, il y a quelques photos des bâtiments et des amis de Bapterosses qui venaient lui rendre visite, par exemple Becquerel, qui habitait à Courtenay, au domaine de La Jacqueminière.
La place de la République
Ce monument date de 1897 ; il est dédié à Jean-Félix Bapterosses.
Le buste est de Chapu, une plaque décorée d’émaux se trouve à l’arrière (ajoutée en 1913 pour le centenaire de Bapterosses) et l’écusson de la ville de Briare évoque les deux canaux et la Loire (on trouve cette même sculpture sur un chapiteau dans l’église). Pendant la guerre, le buste a été caché pour éviter qu’il ne soit fondu.
L’église de Briare
L’église a été construite en 1895 après la mort de Bapterosses par ses héritiers, en même temps que le pont-canal. Elle remplaçait une église trop petite et endommagée par les crues de 1856.
En 1896, l’édifice a été cédé à la commune contre un franc symbolique.
L’extérieur est décoré de mosaïques dessinées par Grasset. À l’entrée, une mosaïque nous invite à entrer : Bonus intra (Entre bien) et en sortant (mais je ne l’ai pas trouvée ): Melior exi (Sors meilleur).
Devant la porte, quatre médaillons en mosaïques représentent les quatre éléments.
Dans la nef, les quatre âges de la vie sont associés aux saisons.
En remontant la nef, les cinq sens.
Les médaillons sont pris dans des volutes qui représentent le fleuve de la vie, la Loire.
Les vitraux du chœur représentent les vertus théologiques : la foi (une croix blanche), la charité (un pélican), l’espérance (une lampe allumée).
le baptistère :
L’hôpital Saint-Jean
A son ouverture et jusqu’en 1959, l’hôpital était considéré comme un service de la manufacture de Briare.
et aussi :
le site du musée : CLIC !
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Commentaires
Une sortie de plusieurs jours est organisée pour le groupe début juin depuis 2 ans autour de Briare. Annulée l'an passé. Mais nous y avons aussi renoncé cette année.
Pierre est toujours hospitalisé et son état est très "en dents de scie". Il lui arrive toujours "un lézard" supplémentaire qui le fait revenir en arrière quand nous pensions franchir une étape supplémentaire. Cela commence à être dur pour nous 2. Depuis 2 semaines par deux fois, très grande confusion. Encéphalopathie diagnostiquée... il attend depuis 2 jours une place pour retourner à Massy pour des examens complémentaires, niveau cerveau. Ce sont les hautes doses du médicament Lasilix qui seraient en cause (remplacé depuis par un autre médicament, et là il va bien). Mais ils ont trouvé au scanner et à l'IRM des traces d'autres choses passées... qu'il faut mieux comprendre... d'où examens supplémentaires désirés par les médecins. J'ai bien sûr annulé notre voyage prévu avec Art et Vie mi mars...