• Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

     

    L’église est ouverte tous les jours du 15 mars au 1 janvier de 9 h à 19 h (17 h en basse saison)

     

    Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

     

    En 1982, sous sept couches de badigeon, on découvrit 200 m² de peintures murales dans l’église. Une minute de notaire de 1743 indique que les ouvriers Guérin et Périgot, mandatés par le curé Berger, ont recouvert les murs d’un badigeon à la colle.

     

    Les peintures murales ont été restaurées de 1984 à 1996 par Hisao Takahashi, spécialiste des fresques romanes.

     

    Au Moyen-âge, l’église était rattachée à un monastère construit au début VIII è siècle pour accueillir les pèlerins irlandais se rendant à Rome. Il ne reste pas grand-chose de ce monastère.

     

    L’église daterait du XI è siècle, la partie la plus ancienne étant la nef. Le narthex à claire-voie a été ajouté au XIII è siècle, le chœur et les chapelles au XV è. C’est dans le narthex que se tenaient les réunions de village et où on distribuait les aumônes (les « michottes », petites miches de pain).

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    Les peintures murales datent de plusieurs époques : romanes au mur nord, au revers de façade et une partie du mur sud, gothiques au mur sud.

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    le mur nord :

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    Sur le mur nord, les peintures ont été réalisées vers 1150. Certains traits noirs ont disparu (peut-être mis à la fin sur de l’enduit sec donc moins résistants), les couleurs (ocre, rouge foncé, bleu, noir) sont parfois estompées et certaines parties sont dégradées.

     

    Les spécialistes pensent que ces peintures ont été réalisées « a fresco » (on parle alors de fresques). Trois enduits à la chaux sont déposés sur le mur et on applique les pigments mélangés à du lait de chaux sur la dernière couche encore humide. Les peintures sont plus résistantes que quand elles sont posées sur enduit sec (elles sont protégées par le carbonate de calcium qui provient de réarrangement de la chaux hydroxylée avec le gaz carbonique de l’air, cette réaction chimique se fait sur des dizaines d’années voire des siècles), mais plus difficiles à faire car elles n’autorisent pas la correction (au contraire des peintures sur enduit sec). C’est un peu comme l’aquarelle et la peinture à l’huile.

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    1 – Annonciation, l’ange Gabriel et Marie

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    2 -Visitation. On ne voit que les têtes des deux femmes, Marie et Élisabeth. La scène est cachée par les poutres.

     

    3 – Nativité (Joseph, songeur, à droite). Une lanterne remplace l’étoile.

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    Joseph :

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    4 – Annonce aux bergers. Ange à gauche.

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    5 – Le Christ montre ses plaies dans une mandorle cruciforme. Il est entouré de musiciens et d’anges portant les instruments de la passion (à droite la couronne d’épines et les clous). À gauche Marie avec une auréole, à droite Jean.

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    la couronne d'épines et les clous :

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    6 – cadre du XV è siècle qui formait triptyque : à droite la donatrice (peut-être Huguette de Corvol, mariée en 1424 à Perrinet Gressard), à genoux devant la Vierge (?) , à gauche la sainte patronne de la donatrice, avec une palme.

     

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    Sur le mur sud, les couches, romane et gothique, se superposent parfois. D’où le dilemme : quelle couche conserver ? Les spécialistes ont choisi de conserver les deux : on a gardé la partie romane de la travée de droite, les autres sont gothiques. Elles se chevauchent donc au numéro 11.

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    Sur le mur sud, on lit les images de haut en bas et de droite à gauche.

     

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    Tout en haut :

     

    une procession :

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    1 - bande décorative

     

    2 – la procession : de gauche à droite : un notable, une femme qui porte un cierge et un pot. Elle semble surprise, sa bougie s’est peut-être allumée toute seule. On disait que les pèlerins s’approchant à 20 pas de l’église du couvent (brûlée pendant les guerres de religion) voyaient leur cierge s’allumer tout seul : présence de phosphore pour simuler un miracle ? Viennent ensuite un joueur de biniou, un homme avec une pelle, un paysan

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    Au registre du milieu, de gauche à droite : la Genèse

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    3 – naissance d’Ève, elle sort du thorax d’Adam

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    4 – le jardin d’Éden

     

     

    5 – Ève et le serpent

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    6 – Adam croque la pomme

     

    7 – Adam et Ève chassés du paradis terrestre

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    8 – Adam et Ève travaillant

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    9 – Adam et Ève et leurs deux enfants

     

    10 – l’offrande de Caïn et d’Abel

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    11 – Meurtre d’Abel

     

    La scène est en partie perdue car elle se chevauche avec le décor roman qu’on a choisi de conserver car en meilleur état que le meurtre d’Abel.

     

    12 – décor roman : trois grands personnages couronnés (des hommes ? Des femmes ? Des rois carolingiens ou capétiens?), ils sont entourés à gauche par des anges thuriféraires (porteurs d’encensoirs) à genous, au milieu par des anges céliféraires (porteurs de cierges) et par droite par deux saints hommes auréolés et portant une torche.

    Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

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    13 : décor roman : dragon ailé, aux grandes oreilles grises et crachant des flammes, chevauché par un homme tenant une masse d’armes.

     

    Pour M. Mourot, cette scène représente la Sainte Trinité : à gauche le Père, au centre Jésus, à droite le Saint-Esprit. L’animal fabuleux représente le Mal.

     

    Pour Sophie-Sarah Gasnier « les peintures murales de Moutiers, Archéologia 308, 02-1995, p 34-41) ce sont les trois rois d’Israël : Saül, David(aboutit au Christ) et Salomon..

     

    Ou encore des références à l’Apocalypse ? Avec la libération de cavaliers maléfiques chevauchant des chevaux à queue de serpent et à tête de lion et crachant du feu, de la fumée et du soufre (verset 17)

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    au registre inférieur :

     

    14 – début du cycle de Saint Jean : Zacharie et l’ange Gabriel

     

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    15 – Élizabeth et Zacharie

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    16 - Visitation

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    17 – Naissance de Saint Jean

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    18 – scène non identifiable

     

    19 – Saint Jean prêchant dans le désert

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    20 – Baptême du Christ Par aspersion ? Par immersion ?

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    21 – Dernier prêche de Saint Jean

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    22 le déluge : à gauche Noé ferme les volets, sa barbe est bien taillée mais il est inquiet. Les eaux montent, les hommes se noient. La colombe revient : à sa fenêtre, Noé a la barbe hirsute mais semble heureux ; ses fils sortent par la porte.

     

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    les hommes se noient

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    la colombe revient. Noë est heureux

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    Revers de la façade :

     

    Selon Michel Mourot, la scène représente la rencontre du roi Salomon (en manteau somptueux) et de la reine de Saba. Salomon est couronné et reçoit du vin dans une coupe et la reine de Saba verse du miel.
    Selon une autre spécialiste, le personnage de gauche serait Jésus qui donne son sang

    Le personnage de gauche serait Jésus,
    représenté sous forme d’un chevalier (le cheval a disparu , le treillis serait l’armure), qui donne son sang (le trait rouge représenterait le sang).

     

    Selon Sophie-Sarah Gasnier, cette femme pourrait être une reine représentant l’Église qui recueille le sang du Christ.

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    Le chœur et les chapelles absidiales conservent des peintures des XVII et XVIII ième siècle.

     

    Chapelle nord : trois saints ayant chacun à leurs pieds un donateur

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    à gauche : Saint Mathurin, la femme à genoux serait Théodora qu’il avait exorcisée

     

    au milieu Saint Edme, archevêque de Canterbury qui avait séjourné dans la région

     

    à droite Saint Fiacre avec un livre et une bêche

     

    mur nord du chœur :

     

    inscription de François Paumier datée de 1597

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    La lapidation de saint Étienne : Cette scène a été réalisée au début  du XVIème siècle.  St Étienne reçoit une pierre sur le visage lancée par l’un des bourreaux.Un enfant entre les jambes d’un des deux bourreaux ramasse les pierres dans un panier.
    Un moine en arrière-plan sur la gauche prie. Il est horrifié par cet acte.
    Dieu tout en haut du dessin semble réprobateur

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    En dessous, des peintures abîmées : des personnages vêtus de noir, une vierge assise portant un corps (Vierge à l’enfant ou Piéta?), un Christ portant un roseau.

    Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

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    Mur du chevet :

     

    à gauche, Assomption de la Vierge, avec un donateur et le saint patron de ce donateur.

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    À droite, une Crucifixion avec Marie et saint Jean Marie Madeleine qui embrasse le pied de la croix, un vase de parfum posé devant elle. Son costume est celui de la fin du XVI è.

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    Au-dessus de la verrière, Sainte Barbe devant sa tour. À droite une femme présente un plat à un homme.

    Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

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    Dans l’église, on peut acheter le livret « Moutiers-en-Puisaye, son histoire, ses peintures murales » de René et Suzanne Pélissier. Je m’en suis beaucoup servie pour écrire cet article.

     

    Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

     

    À côté de l’église, se trouve une fontaine dédiée au moine Raoul Glaber (985-1047 environ). C’était un moine bénédictin de l’abbaye de Cluny qui est également venu au monastère de Moutiers. Il a décrit la France de son époque, qui vivait dans les terreurs de l’an mil. Il raconte notamment qu’il a vu le diable à trois reprises : « Une nuit se dresse devanat moi une sorte de monstre terrible à voir. De petite taille, il avait le cou grêle, le visage maigre, des yeux très noirs, le front rugueux et ridé, les narines pincées, la bouche énorme, les lèvres gonflées, le menton fuyant, une barbe de bouc, des oreilles velues et pointues, les cheveux hérissés et des dents de chien, le crâne aplati, la poitrine gonflée, le dos bossu. » Excès de mysticisme ? Abus du vin (c’était un bon vivant) ? Visions peut-être dues aux fièvres fréquentes car les marécages arrivaient jusqu’aux murs du monastère (ils ont perduré jusqu’au XIX è). Les superstitions étaient importantes dans la région : dame blanche, loups-garous. Colette y fait d’ailleurs allusion « Si tu respires ces vapeurs, un frisson te saisira et toute la nuit tes songes seront fous. »

     

    Le sculpteur Jean-Michel Doix s’est servi de cette description pour construire la statue de la fontaine. La statue a été émaillée selon la technique traditionnelle « au laitier » qui date du XVII è siècle par utilisation des résidus de fonderie romains .

     

    Moutiers-en-Puisaye, une église à fresques

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    Pour lire les textes de Raoul Glaber : CLIC

     

     

     

    À côté de la fontaine, se trouve la souche du vieux chêne de la Liberté planté en 1872 et dont voici l’histoire :

     

    On peut lire :

    "En 1872, les rescapés de cette insurrection poyaudine plantèrent à Moutiers un chêne de la Liberté, célébrant l'avènement de la IIIe République. Agé déjà de 20 ans, cet arbre arriva sur la place de la Mairie tiré par 6 boeufs parés et enrubannés. La population en liesse jeta dans le trou des pièces de monnaie, de l'avoine et arrosa les racines de vin et l'on dansa des heures autour du chêne de la Liberté.
    Toujours en place, sur la place de la Mairie, le chêne a aujourd'hui 130 ans (année de parution du journal inconnue) et se porte comme un charme. Jugez de ses dimensions : 4 m de pourtour à hauteur d'homme, 8 à 10 m de fût jusqu'aux branches dont la ramure s'étend sur un diamètre d'au moins 25 m. D'une vigueur exceptionnelle sans doute grâce du vin qui l'a abreuvé, ce chêne fait encore la joie des Moustériens chaque 14 juillet où l'on va célébrer la fête autour de son symbole".

     

     

     

     


  • Commentaires

    2
    Vendredi 28 Avril 2023 à 18:33
    Merci pour ce partage ! Quelle richesse dans cette église ! Une belle découverte pour moi ! Bon week-end ! Bises
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    1
    Mercredi 26 Avril 2023 à 17:41

    Merci pour le partage de cette église et de ses fresques qui ont traversé le temps.  J'ai un ami spécialiste de la chaux et de la peinture à fresco avec qui j'ai eu la chance de réaliser les enduits à la chaux de ma maison avec et sans poudre de marbre, notamment avec une terre de Bourgogne (ocre jaune) et de peindre les motifs à fresco à l'aide de pigments et oxydes. Ces enduits, fragiles au début,  ont maintenant presque 20 ans et sont restés parfaits.

    Bonne fin de journée !

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