Le château de Nemours se trouve à Nemours (sud Seine-et-Marne) dans la rue Gauthier I. Vous comprendrez plus loin pourquoi cette rue s'appelle ainsi. Nous passons sous le porche et sous les branches du saule pleureur. À droite, se trouve l'Office de tourisme. Des bornes montoires permettaient aux charrettes d'éviter de se frotter aux murs ; les passants pouvaient aussi s'abriter à côté des bornes pour ne pas être écrasés par les charrettes.

 les anciennes douves :

 

Nous visitons le château-musée sous la conduite de Clotilde Leducq, médiatrice culturelle du château.

 Cette année, l'exposition porte sur l'histoire du château :

de droite à gauche : Adolphe Ardail, Ernest Marché, Albert Ardail, fils d'Aldolphe et peintre

Le château a une histoire compliquée avec des aménagements qui ont modifié son aspect d'origine et des utilisations variées. C'est maintenant un musée qui accueille des expositions éphémères. L'an dernier, l'exposition était consacrée aux peintres de Grez-sur-Loing. Cette année, l'exposition "du château féodal au château-musée" est consacrée à l'histoire du château et au musée qui fête cette année ses120 ans.

 Avant la construction du château, la population était regroupée principalement à Saint-Pierre-lès- Nemours, village doté d'une église, plus ancienne par conséquent que celle de Nemours.

 

Venons-en à l'histoire de ce château. Gauthier I de Villebéon (1125-1205) part à la deuxième croisade (1146-1149) avec Louis VII (dont il devient l'ami) et Aliénor d'Aquitaine.

Au retour, il épouse Aveline de Château-Landon qui lui apporte Nemours en dot. Il devient grand chambellan de Louis VII (et plus tard de Philippe-Auguste). Cette importante position à la cour (il dormait au pied du lit du roi) exige qu'il ait une belle demeure. Il fait construire un château vers 1170 (peut-être à l'emplacement d'un château plus ancien dont il ne reste rien) sur la rive gauche du Loing, près d'un passage à gué et près des moulins. Cela lui rapportait de l'argent : droits de péage et obligation de moudre dans les moulins seigneuriaux. Il fait également construire l'église de Nemours pour y exposer une relique : la mandibule de Saint-Jean-Baptiste. Il veut faire de Nemours une importante ville de pèlerinage pour concurrencer l'abbaye de Larchant.

 

La tour de guet avait des latrines mais pas le donjon où habitait le seigneur. Il a donc fait construire une galerie pour relier le donjon à la tour de guet.

 

Le château passe ensuite à la famille de Navarre puis à la famille d'Armagnac. Jacques d'Armagnac transforme le château en résidence de plaisance (décorations, cheminées...). Il fait supprimer la coursive et les portes de la coursive deviennent fenêtres du château.Il trahit trois fois le roi Louis XI qui lui pardonna deux fois et le fit décapiter la troisième fois en 1477.

Un dessin de Claude Chastillon (1559-1616) donne une idée de ce qu'était Nemours vers 1600. Topographe, Chastillon était chargé de dessiner les villes et les villages pour que le roi les connaisse sans avoir besoin de s'y rendre. Topographe peut-être mais pas bon dessinateur : les maisons sont trop grandes et les collines dessinées n'existent pas.

 

 

 

Le château change plusieurs fois de propriétaires (familles de Foix, Médicis, Savoie, rois de France). L'un des ducs de Nemours, Jacques de Savoie-Nemours (époque de François I), a inspiré le héros de "La princesse de Clèves". Puis Louis XIV donne le château à son frère, Philippe d'Orléans, dit "Monsieur". Celui-ci aménage le château, fait construire un perron monumental, un portail côté rue. Il y installe le tribunal avec des cachots et, au deuxième étage, un atelier de filature. Il fait construire une chapelle pour les prisonniers, côté sud, entre les tours.

 la chapelle des prisonniers , au sud :

 

sur le carrelage, un dessin (représentant un visage) qu'on ne sait expliquer:

À la Révolution, le château n'est pas détruit mais vendu en trois parties : l'un achète la tour de guet, l'autre la galerie intermédiaire et le maire Anne-Antipas Hédelin achète le donjon sur ses fonds personnels pour 3100 F. Hédelin revend le donjon 4000 F à la mairie.

 

Le bâtiment est alors transformé en salle de bal (en 1808 au rez-de-chaussée), En 1820, le premier étage était partagé en deux : côté est, théâtre avec scène et balcons qui pouvait accueillir 350 personnes (la tourelle de l'oratoire servait à entreposer le matériel des pompiers et les accessoires de théâtre), et côté ouest en école pour filles. Les demoiselles sont proches du théâtre, les murs étaient parfois recouverts de graffiti plus ou moins érotiques (les comédiennes avaient des loges séparées). Tout cela se délabre peu à peu.

salle de danse au rez-de-chaussée

théâtre premier étage

 Le château plaît aux écrivains : Hugo le dessine et vante son romantisme. Balzac situe "Ursule Mirouet à Nemours)

Puis Rodin veut louer le château pour en faire son atelier. Il envoie quatre lettres au maire; fait un don de 400 F. Le maire est d'accord. Mais Rodin ne donne pas suite à son projet et s'installe définitivement à Meudon.

 

À cette époque, Rodin n'était pas trop connu, contrairement à Justin-Chrysostome Sanson (1833-1910), sculpteur renommé né à Nemours : en 1861 Sanson obtient le prix de Rome pour "Chryséis rendue à son père par Ulysse", ce qui est la consécration pour un artiste (cela lui permettait d'aller en résidence à la villa Médicis à Rome pour cinq ans).

Sanson veut laisser ses sculptures à la ville 'il a environ 73 plâtres) à condition qu'elles soient exposées dans le château. Après trois refus (on lui propose la salle des Arts, actuelle bibliothèque, ce qui ne lui convient pas), Cela se fait enfin en 1900 mais il n'aura que l'étage (la filature et l'amicale des anciens élèves occupent toujours le château).

 

 

portrait de Sanson dans son atelier (1893) par Henri-Charles Daudin (huile réalisée d'après photo). Dans ce tableau, on voit deux sculptures de Sanson "le danseur de Saltarello" (le bronze se trouve dans le jardin de Diane du château de Fontainebleau) et "le printemps".

 

 

En 1902, avec deux autres artistes nemouriens, Adolphe Ardail (1835-1911) et Ernest Marché (1864-1932), Sanson crée la société des Amis du Vieux Château et le Musée. Ils recourent à des dons pour financer les travaux. Le musée est inauguré le 18 octobre 1903. Les trois artistes font don de leurs œuvres au musée. Ardail est le premier conservateur jusqu'en 1911 et Marché est le second jusqu'en 1932.

Ernest Marché, peintre, est très sympathique, serviable, souriant, bon, humoristique. Il loge rue Gambetta, aime la nature et peint en extérieur.

 Portrait d'Ernest Marché par Henri Guinier, 1889.

 

Le château et la deuxième cour, dessin à la mine de plomb et gouache sur papier de Marché.

 

 Adolphe Ardail est imprimeur en taille douce. Il est assez "pantouflard", d'ailleurs cette photo le représente avec des chaussons aux pieds.

 

 Sanson est ronchon, autoritaire et l'entente entre Marché et Sanson n'est pas toujours de mise. Marché tient un journal des travaux et raconte ses disputes avec Sanson. Il compare Sanson à "un sanglier qui ne pense qu'à son but, sans se préoccuper des buissons d'épines".

 

Marché raconte dans son journal comment se passent les travaux. En 1902, on parle d'aménager la tour de guet. Marché veut faire installer un mur de protection en haut de la tour. Sanson refuse car ce serait une perte de temps. Quand la commission de sécurité passe elle dit qu'il faut en faire un. Travaux à refaire ! La cheminée du deuxième étage est aussi sujet de discorde : Sanson veut la déplacer au premier étage, Marché ne veut pas mais Sanson commence sans tarder les travaux : la cheminée sera au premier étage, ce qui sera moins beau (pas assez de hauteur sous plafond). Pour lire le journal de Marché, CLIC ICI (une page savoureuse sur les disputes Marché-Sanson : page 48)

 

L'inauguration a lieu le 18 octobre 1903. Sur la photo, on voit Sanson, Marché et Ardail devant la statue de Victor Segoffin "La Fertilité", statue qui se trouve actuellement au rez-de-chaussée de l'hôtel-de-ville de Nemours.

 de gauche à droite : Marché, Sanson, Ardail et derrière le fils Ardail.

 Le musée referme 25 000 œuvres qui sont présentées au cours des expositions.

 

Comme écrit plus haut, le premier conservateur fut Ardail puis son fils puis Marché puis la femme de Marché. À l'époque de Marché, des œuvres ont été volées. On prit donc une assurance. Le conservateur Léon Petit prit la suite mais il voulait économiser sur le chauffage, ce qui entraîna la dégradation des œuvres. Le conservateur suivant, Jean-Bernard Roy, organisa des expositions et entreprit des travaux de consolidation. Depuis la réouverture du musée, il y a des expositions chaque année.

 

Nous commençons la visite proprement dite. Au bout de cette longue salle au rez-de-chaussée du donjon (c'est le lieu d'exposition avec des photographies, dessins et gravures), se trouve la chapelle des prisonniers. Sur le sol, on y voit une petite tête, gravée là on ne sait pas par qui, on ne sait pas quand.

 

 Nous montons au premier étage par l'escalier de la tour sud-ouest. Nous arrivons dans une grande salle qui fut l'espace de vie de Gauthier I, puis le théâtre avec ses loges. Les poutres datent de l'époque de la famille Armagnac (avant la salle faisait 8 mètres sous plafond). La cheminée a été descendue sur l'ordre de Sanson. En ce moment, sont exposées les œuvres des trois co-fondateurs et de quelques autres artistes : les sculptures de Sanson, les gravures d'Ardail et les peintures de Marché.

 

 "le moulin rouge, environs de Nemours, avant les travaux exécutés par la ville de Paris" Marché. huile de 1898. Le moulin est situé à Fromonville. Au Moyen-âge, le bâtiment appartenait au seigneur de Larchant, c'est-à-dire à l'assemblée des religieux de Notre-Dame. Les fermiers sont obligés de moudre leurs grains exclusivement à ce moulin. Avant 1789, une scierie s'y installe. Beaucoup de moulins en France portent le nom de moulin rouge. Le nom est dû à un événement tragique, notamment lorsque le meunier était happé par les engrenages, ce qui teintait les farines en rouge.

 

Cassagne ;

Edouard Gelhay, 1896 :

E; Tapissier, 1889

 

 Edouard Toudouze "Etudiant du Moyen âge", huile sur toile, 1902. La vie étudiante coûtait cher : inscription, logement, repas, maître, manuscrits, parchemins, bougies. On donnait aussi de l'argent pour être placé au premier rang. De 18 à 20 ans, on étudiait pour être bachelier, à 22 ans on entrait à la faculté mais il fallait attendre d'avoir 35 ans pour être professeur. Il fallait tout mémoriser car les livres étaient rares et chers.

 

 gravure de Villain, d'après Nicolas Toussaint Charlet : Aux armes citoyens, formez vos bataillons (photo ratée !)

Frédéric Auguste Laguillermie, d'après Jean-Georges Vibert : Gulliver chez les Lilliputiens

"La prière" sculpture de Sanson pour la fille de Monsieur Masson qui tenait un bar à Nemours dans les années 1876, le Café du Commerce, place aux blés (actuelle place Jean Jaurès). Cette sculpture en plâtre était un modèle pour orner la tombe de la demoiselle au cimetière de Malesherbes. La scultpure date de 1897.!

 

 

 

Le printemps Sanson

Marché, Matinée d'hiver

 

 Marché. L'automne, environs de Franconville

Albert Matignon (1869-1937), La Morphine, 1905, huile sur toile. Les trois femmes (qui se trouvent peut-être dans une maison close) viennent de prendre une dose de morphine. Des seringues sont posées sur un guéridon. Une autre interprétation du tableau serait de voir dans ces femmes aux poses différentes la représentation des trois états successifs d’une seule et même personne sous l’emprise de la drogue. La lampe est dans le style art nouveau, les dames ont de très beaux bijoux. Le cadre a été travaillé en lien avec le tableau.Matignon aimait représenter des sujets sombres et a terminé sa vie en peignant des sujets religieux.

 

  Quand il était enfant, Alfred Manessier l'a rencontré au Crotoy et raconte : « Matignon avait un petit pliant, une pipe, des bottes, des pantalons à carreaux, une veste et une casquette de chauffeur de taxi. On le voyait souvent au Crotoy, dans la Somme : il peignait le port, des paysages ; 60 à 70 pochades par mois. Il ne desserrait jamais les lèvres. […] Un jour — j'avais douze ans — ma mère a traversé les champs pour lui montrer quelques aquarelles. Matignon m'a encouragé. À quinze ans, j'étais assis à trois mètres de lui, au Crotoy. J'avais un pliant, une pipe, des bottes, etc. Je peignais : le port, des paysages. À l'huile, déjà. Taciturnes : on ne se disait rien. »

 

 

Au coin du feu, rêverie. Tony Robert-Fleury. La dame attend son amant à moins que celui-ci vienne de partir. Le perroquet représente la sexualité.

 

 

   Le faucheur Marie-Léon Chevreuil

 

 Eugène Cicéri Entrée du village de Marlotte, aquarelle

 

 Eugène Cicéri, Entrée du village de Marlotte

 

Rosa Bonheur (tableau vu en 2018)

 

Kreutzer. Il aime peindre les scènes hivernales et se déplace avec son matériel et une roulotte pour transporter son brasero, très utile pendant les grands froids.

 

 

 

Amédée Buffet Messe à l'abbaye de Saint-Arnould (Trouville)

 Dans une des tours (sud ouest) , a été installé un lit à baldaquin à la française. Il date du XIX è siècle (fabrication, assemblage, roulettes sous les pieds) mais copie un lit du XVI è.

 

Blason peint par Marché avec les armoiries d'Orléans et de Savoie.

 

 

 Dans le coin opposé, une porte et trois marches conduisent à la tour de l'oratoire (tour sud-est). C'était la chapelle privée de Gauthier, il venait y prier huit fois par jour. C'est un mélange d'art roman et gothique. Les éléments décoratifs évoquent la végétation (chapiteaux à feuilles d'acanthe). Deux portes permettaient d'aller de la chapelle à la galerie mais à partir du XV è, Jacques d'Armagnac a fait percer la porte par laquelle nous sommes entrés.

 

Au plafond, la clé de voûte est percée de trous. C'est par là qu'on passait les cordes pour fixer le luminaire (un cercle sur lequel on fixait les bougies) : on le baissait pour allumer les bougies et on le remontait. Quel travail !

 

 Nous sortons dans la cour d'honneur pour entrer à gauche dans une autre petite cour.

 

La cour n'est accessible qu'en visite guidée :

C'est là que se tenait le tribunal (époque de Philippe d'Orléans) et, bien sûr, les cachots. Philippe d'Orléans a fait aménager les cachots du Moyen-âge sous les tourelles.

 

Il y avait trois types de cachots : Au premier étage de la galerie, étaient aménagées des cellules pour les personnes riches. Ils étaient seuls dans leur cellule. Moyennant monnaie (des pistoles), les prisonniers pouvaient se promener dans la cour, d'où le nom donné à cette cour : "la cour pistole".

Les prisonniers pauvres mais pas méchants étaient enfermés dans les sous-sols. Des cages en bois étaient installées autour d'un gros pilier. Ils étaient deux par cage, pouvaient s'asseoir, s'allonger mais pas se tenir debout.

 

Les prisonniers dangereux étaient enfermés au bas des tours. Nous entrons dans ce cachot, au bas de la tour sud-ouest. Les prisonniers étaient dans le noir presque complet, il n'y avait qu'une toute petite ouverture. Ils étaient cinq dans ce cachot, enchaînés poignets et chevilles, faisaient leurs besoins dans ce réduit et ne sortaient jamais. La mortalité était importante (typhus par exemple). Sur les murs, des inscriptions datent d'une époque plus récente où les gens pouvaient venir comme ils voulaient. L'inscription sur la porte "SCHUH 25 octobre 1862" donnent le nom et la date de sortie du dernier prisonnier.

 Deux portes fermaient les cachots :

 

Pour les femmes, c'était encore pire. Elles étaient enfermés dans les anciens cachots du Moyen âge fermés par une trappe. Au Moyen âge, on descendait les prisonniers par une corde dans ce trou. Au XVII è, on a percé une porte et les femmes avançaient, courbées, jusqu'au cachot par un étroit couloir. Il n'y avait pas de lumière du tout.

 

 

De la cour, à gauche, nous voyons la tour de guet (30 m de hauteur) mais elle ne se visite pas.

 

 

Les gros trous dans la tour correspondent aux différents planchers.

 

Il y avait aussi une cellule pour les "fous".

 

On peut contourner le château par la droite et passer dans les jardins où nous avons une vue sur le Loing et la façade est. Les arcades ont été bouchées. Du XV è siècle, il reste des modillons (je ne sais pas si cela s'appelle comme ça) de chaque côté des fenêtres à meneaux ; ils représentent des marchands. Traces de la coursive.

 la façade est :

 Ce château-musée est soumis à des contraintes : on ne peut pas agrandir le château à l'extérieur, il faut donc essayer d'aménager l'intérieur tout en respectant les éléments historiques.

 

Comment visiter le château : visite libre, visite guidée (seul ou en groupe), et à certaines dates, : le samedi : visite insolite d'un endroit du musée qui ne se visite pas habituellement ; le dimanche de temps en temps : tea time (visite de l'exposition suivie d'un goûter)

 pour lire les expositions passées : CLIC

et plus particulièrement celle-ci : CLIC

vidéo historique du château avec des renseignements notamment sur les cachots) : CLIC

 vidéo : une autre présentation du château : CLIC 

une autre vidéo : cLIC

 la page facebook : CLIC

 catalogue des œuvres : CLIC

Exposition de 2022/23 : Les artistes étrangers à Grez-sur Loing : c'est ICI