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Le Bignon-Mirabeau (Loiret) : château de Patrice de La Tour du Pin
Visite du 9 septembre 2024. 8 €. jusque fin septembre, samedi, dimanche, lundi. Visite guidée par les propriétaires, Marie-Liesse de la Tour du Pin et son époux, Jérôme d'Aboville. Nous n'étions que deux. Depuis 1808, le château est resté dans la famille.
(bignon = source, Mirabeau = lieu élevé)
Le nom du village, Le Bignon, se transforme en 1889 en Le Bignon-Mirabeau (nom d'un des propriétaires du château, Mirabeau)
Le château a tout d'abord appartenu à la famille de Melun. En 1740, le marquis Victor de Mirabeau achète le château "sur les conseils d'un ami". C'est ici que naît, en 1749, son fils, Gabriel Honoré Riquetti de Mirabeau (1749-1791), plus connu sous le nom de Mirabeau.
Le château est ensuite vendu en 1789 Adrien Dupont qui émigre. Son épouse, restée sur place, vend le château en 1796.
Le château est acquis en 1808 par le Général irlandais Arthur O'Connor, gendre de Condorcet. Indépendantiste, il avait fui l'Irlande et avait été servi dans les armées de Napoléon. Il avait épousé Élisa de Condorcet, fille de Nicolas de Condorcet (1743-17494), homme de sciences du Siècle des Lumières et de Sophie de Grouchy, écrivaine (et sœur du fameux Grouchy de la bataille de Waterloo)
O'Connor :
Nicolas de Condorcet ;
Sophie de Grouchy :
Ce vers est tiré d'un poème de Victor Hugo, "L'expiation", paru en 1853 dans Les Chatiments.
"Le soir tombait ; la lutte était ardente et noire.
Il avait l'offensive et presque la victoire ;
Il tenait Wellington acculé sur un bois,
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit : "Grouchy !" - C'était Blücher"Leur fils Daniel O'Connor (1810-1851) épouse Ernestine Duval de Fraville.
Leur fils Arthur O'Connor (1844-1909) épouse Marguerite Élisabeth de Ganay (sœur de Jean Ganay propriétaire du château de Courances). Quand Mlle de Ganay arrive ici, le château est froid, sans confort. En 1880, elle le fait démolir et construire celui-ci par l'architecte Sanson. Il ne reste qu'une aquarelle du château précédent, plus sobre, plus classique. Cette fée des rosiers a créé le jardin de roses. Patrice de la Tour du Pin lui a consacré un poème :
« Comme elle était fée dans sa roseraie,
Fragile et d’âme claire et recueillie,
Son regard perdu par la grande baie,
Sur le soir tombant déjà au vallon… »Leur fille, Brigitte Émilie O'Connor (1880-1943), épouse le comte François de La Tour Du Pin Chambly de la Charce (1878-1914).
Ils ont trois enfants, le dernier c'est le poète Patrice de la Tour du Pin (1911-1975) qui se marie avec sa cousine germaine Anne de Bernis Calvière.
Ils ont quatre filles, l'aînée est Marie-Liesse, l'actuelle propriétaire du château.
L'intérieur du château : Je n'ai pas pris de photos car les propriétaires occupent ces salles à titre privé
rez-de-chaussée
hall d'entrée, trophées de chasse, têtes de buffles, d'antilopes, de cerfs (rapportés d'Inde et du Pamir par Artur O'Connor, l'arrière-grand-père de la propriétaire), des miroirs aux alouettes, un grand meuble qui servait de râtelier pour les fusils et que Patrice de la Tour du Pin a transformé en présentoir à gravures e cadrées.
Au pied du grand escalier, gravures de ruines romaines de Piranèse, graveur du XIX è
grand salon : bureau, bibliothèque, 7 tapisseries de Beauvais (dessins de Jean-Baptiste Huet et Jean-Baptiste Oudry) sans doute commandées par Mirabeau et reposées là après la démolition de l'ancien château. Des portraits de famille sont accrochés aux murs : un portrait en pied d'Arthur O'Connor, un de son épouse Élisa de Condorcet, un de Sophie de Grouchy (peut-être un autoportrait car, en plus d'être femme de lettres, elle était peintre et élève de Mme Vigée-Lebrun), un tableau représentant la réunion au Jeu de Paume où Mirabeau dit à Dreux-Brézé "nous ne sortirons que par la puissance des baïonnettes".
salle à manger : peintures murales. Les murs de la pièce sont de trois gris différents et devraient être repeints dans l'avenir.
entresol :
Il y a là une énorme collection de chromolithographies, chinées et assemblées avec beaucoup de goût par un ami, Jacques Ferrand. Ce procédé a été inventé en 1839 par un éditeur mulhousien. On dessine sur une pierre avec un crayon gras fixé ensuite sur la pierre avec de la gomme arabique. On humecte la pierre et on passe l'encre qui ne se dépose que sur les parties non grasses. On recommence l'opération avec d'autres couleurs.
Des imprimeries fabriquent ces chromos, l'imprimerie Lemercier a été a dernière à fonctionner et a fermé en 1913.
Les chromos de la collection sont regroupées par thèmes, poissons, chats et chiens, fleurs, etc.... On trouve aussi des images représentant des cartes publicitaires Au Bon Marché, des reproductions de tableaux de peintres célèbres, des personnages historiques, des personnages religieux, ces images étaient sans doute destinées à être données aux bons élèves à l'école ou au catéchisme. Certaines sont gaufrées, d'autres sont finement découpées, d'autres sont entourées d'une bordure en dentelle de papier. J'y serais bien restée des heures !
Je possède quelques chromos de famille : CLIC
Le jardin
On y accède par le marc (de nombreux arbres ont été déracinés par la tempête de 1999, notamment un cèdre du Liban). Sous le thuya d'Amérique à plusieurs troncs, se trouve un drôle d'animal, le rhinozèbre.
Le jardin a été dessiné par Achille Duchêne en 1880 (c'est le paysagiste de Courances, Breteuil, Saussay)
Le jardin est composé de quatre terrasses inspirées des écrits de Patrice de La Tour du Pin (les trois dernières ont été restructurées en 2010) auxquelles on accède par quelques marches.
La plus basse "Enfance" a été laissée dans son état d'origine, sol pavé et arbustes.
les terrasses suivantes ont été revues par Jacques d'Aboville.
La deuxième terrasse, le jardin des secrets, évoque le jardin de l'Homme devant les autres. On y trouve des miscanthus sinensis gracillimus "herbe à éléphants.
gaurats :
La troisième terrasse se situe à la croisée des chemins et représente le transept de la cathédrale avec ses deux pergolas couvertes de roses. Au milieu, un bassin. C'est le paradis terrestre avec ses roses, ses pergolas, ses anémones du Japon. Patrice de La Tour du Pin, tout comme sa grand-mère Marguerite de Ganay, adorait les roses.
Depuis la dernière terrasse, on a une vue magnifique sur le jardin et le parc. Chœur de la cathédrale, il symbolise le jeu de l'Homme devant Dieu. Tout en haut, un petit banc invite à la méditation. On y trouve des buxus (buis) en boule, un savonnier, un poivrier du Sichuan. Serres datant de Marguerite de Ganay.
lys d'Inde
poivrier du Sichuan :
savonnier :
les serres
la prairie côté sud
Patrice de la Tour du Pin est né à Paris le 16 mars 1911et il y est mort le 29 octobre 1975. Orphelin de père très jeune. Il a été blessé au début de la seconde guerre mondiale, fait prisonnier et interné pendant trois ans dans l'Oflag IVD près de Dresde.
C'était un grand travailleur. Il travaillait de 9 heures à midi et il ne fallait pas faire de bruit dans la maison.
"L'œuvre de Patrice de la Tour du Pin est construite comme une cathédrale" écrit son ami Anne-Henri de Biéville-Noyant.
quelques poèmes étudiés autrefois, en classe...
extrait du « Poème d’amour » :
« Je l’ai portée à travers les landes, à travers
Un grand château jusqu’à sa chambre. Je peux
Retrouver dans les dunes de sable des hanches
Ou sa poitrine, et même son parfum de chair
Douces dans les prairies. Comme tout amoureux,
Je l’ai menée aux vallées les plus désolées
De mon âme, où jamais femme n’est allée,
Et c’est elle qui les habite… Elle connaît
Tous mes jours et mes nuits, c’est elle qui les fait
Et les défait ; elle entre d’un battement de cœur
Et sort d’un autre ; entre deux, le bonheur
Du ciel est arrêté, d’une sorte de danse
Arrêtée. J’ai tenu hier l’un de ses seins
Dans ma main refermée ; et mon âme qui change
Toujours de paysage, a conservé sans fin
Un grand ciel pâle où tremblaient des étoiles blanches…L’oreille-de-mer
On le trouve après les grandes marées d'équinoxe
Parmi les roches primaires
Que les siècles de sang n'ont pas désagrégées,
Ce coquillage vide et toujours anonyme ;
On le porte à l’oreille, il n’est pas musicien,
Mais serti plus profond, incrusté dans le crâne,
Il fait entendre à qui l'occupe, à qui devient
Son nouvel habitant,
Au-delà de l'écho des mers originelles,
Le battement
De la ligne perdue de partage des eaux.
« Une Lutte pour la vie » [Le Pâtis de la création,
suite de 30 poèmes], Gallimard, 1970.Les enfants de septembre
Le Christ voilé (extrait)
site du château : CLIC
une vidéo sur le parc : CLIC
site de l'association qui vous renseigne sur le poète : CLIC
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Commentaires
Encore un article dense et intéressant.
Et un château de plus et pas loin à découvrir.
Deux visiteurs... c'est bien qu'ils aient accepté la visite.
Merci pour les poèmes ( justement un prévu demain sur mon blog... le hasard ?)
j'avais prévenu et demandé si l'heure leur convenait. Et nous sommes arrivés pile à l'heure.