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Par bluesy le 23 Octobre 2022 à 12:14
Aubigny-sur-Nère (habitants : les Albiniens) : La Cité des Stuarts
Cette visite est ancienne et j'espère ne pas m'être trop trompée dans les éléments des différentes maisons.
La ville est traversée par plusieurs bras de la Nère qui s’engouffre sous les maisons et ressort un peu plus loin. C’est un affluent de la Grande Sauldre, elle-même affluent de la Sauldre qui se jette dans le Cher, affluent de la Loire.
Au Moyen Age, Aubigny appartenait aux XIe et XIIe siècles au chapitre de Saint-Martin de Tours
Puis Aubigny fut carrément intégré au domaine royal par Philippe Auguste en 1189
En 1423, pendant la guerre de cent ans, Charles VII remit la ville d'Aubigny à Jean Stuart de Darnley, un des chefs de l'armée écossaise pour le remercier de son aide contre les Anglais (la bataille de Baugé fut la première victoire franco-écossaise de la guerre de cent ans). En effet, depuis le 23 octobre 1295, (première trace écrite), sous les règnes de Jean Balliol, roi d’Écosse et de Philippe IV le Bel, roi de France, une alliance, l’Auld Alliance (= la vieille alliance) a été scellée entre l’Écosse et la France, chaque pays devant aider l’autre en cas d’attaque de l’Angleterre. On dit que l’Auld Alliance « n’a pas été écrite sur un parchemin de peau de brebis mais gravée sur de la chair vive et de la peau d’homme, tracée non par de l’encre mais par le sang. »
traité de 1295 :
confirmation du traité précédent par le traité de Corbeil en 1326 entre Robert I d'Ecosse, appelé Robert The Bruce et Charles IV
John Bailliol et sa femme :
À noter que John Stuart de Darnley est mort le 12/02/1429 à la bataille des Harengs, entre Orléans et Chartres. Il ne faut pas confondre ce connétable avec John Stuart de Buchan, autre connétable qui participa aussi à la bataille de Baugé le 22 mars 1421 et mourut le 17/08/1424 à la bataille de Verneuil.
John Stuart de Darnley débarqua à La Rochelle en 1418 avec cent archers puis quatre vagues de débarquement se succédèrent jusqu’en 1424.
John Stuart :
Petit aparté à propos de la journée des harengs appelée ainsi en raison d’un convoi anglais qui transportait depuis Chartres du poisson destiné à être consommé pendant le carême. Un espion informa les Français de la sortie de ce convoi escorté par 1500 Anglais sous le commandement de Jean Fastolf et de Simon Morhier, prévôt de Paris. Avant d’avoir été prévôt, Simon Morhier était maître d’hôtel d’Isabeau de Bavière, femme de Charles VI. Il était aussi seigneur de plusieurs fiefs à l’ouest de Paris, notamment Villiers-le-Morhier, mon village natal. Les Français attaquèrent sans succès le convoi. John Stuart voulant attaquer le convoi à cheval, Jean de Dunois voulant attaquer à pied, ne se mirent pas d'accord. Cela se passait le 12 février 1429, à Rouvray-Saint-Denis, au nord d'Orléans.
photo wikipédia :
L’armée de Jeanne d’Arc était constituée de 25 % d’Écossais.
Bérault (petit-fils de John Stuart de Darnley) et son gendre Robert Stuart, compagnons d'armes du chevalier Bayard et contemporains de Léonard de Vinci, firent construire les châteaux d’Aubigny (entre 1517 et 1543) et de la Verrerie.
En 1512, un gigantesque incendie ruina la cité des Stuarts, (une seule maison en réchappa). C’est encore Robert Stuart qui autorisa les habitants à tirer le bois de charpente de ses forêts ; il lui en coûtera trois forêts pour construire de belles maisons à pans de bois.
En 1670, Aubigny revint à la couronne de France lorsque la lignée des Stuarts s’éteignit et que les Écossais, devenus protestants, se rallièrent aux Anglais.
Inspirés par les Stuarts et réglementés par Colbert, l'industrie et le commerce du drap firent la réputation des Albiniens.
Louis XIV offrit la ville à Louise de Kéroual (1649-1734), duchesse de Portsmouth. Bretonne devenue favorite de Charles II d’Angleterre, Louis XIV voulait la remercier d’avoir su amadouer le roi anglais pendant la guerre des Flandres. Elle agrandit le château et fit créer les Grands Jardins par un disciple de Lenôtre ; ceux-ci deviendront la propriété de la ville. Le duc de Richmond, son petit-fils, qui hérita de la ville, n’y revint que pour chasser dans ses forêts. Ses biens furent séquestrés à la Révolution, puis la ville acquit le château et ses jardins en 1812.
Partout dans la ville, on voit des allusions à l’Écosse, dans la cour du château, on peut porter le kilt, boire du whiskey. Il y a même un pipe band local. Tous les ans, en juillet, les fêtes franco-écossaises attirent beaucoup de monde (concert de rock celtique, pipe bands, kilts, marché écossais, marché médiéval, jeux écossais...)
Parcours :
parking de la Nère, rue du moulin d’en-haut, au sud d’Aubigny. Continuer rue du moulin d’en-haut.
1 _ Rue des Dames : n° 15 : maison Bourdoiseau (Henri Bourdoiseau, compagnon charpentier du Tour de France avait 22 ans quand il a construit sa maison en 1881 avec clochetons tors et lucarnes en guitarde.)
2et 3 _ Rue des dames, à gauche maison des dames (n° 5) et à droite maison dite de Jeanne d’Arc (n° 7)
4 - L’ office de tourisme donne d’un côté sur la rue des dames et de l’autre sur la rue de l’église.
les armoiries d'Aubigny
À côté, une fontaine dédiée à la Malnoue (divinité des eaux souterraines d’Aubigny) a été inaugurée le 11 août 1999 à 12 h 22, au maximum de l’éclipse solaire. La légende raconte qu’un pauvre laboureur avait bien du mal à faire travailler ses bœufs. Un homme lui proposa une solution : il lui confia un aiguillon magique, avec pour seule recommandation de ne pas le poser au sol. Hélas, l’aiguillon réussit à toucher le sol et réveilla la Malnoue. Une masse d’eau surgit alors du sol pour envahir tout le pays. Il fallut bien des efforts pour reboucher le trou d’où l’eau sortait. « Malnoue » signifie « mauvaise eau ».
5 - Une cabine téléphonique rappelle que la ville est jumelée avec le Royaume-Uni.
au fond, le début de la rue Pousse-panier
5 Dans la maison Victorine, se trouve une exposition sur le vieil Aubigny
6 - Tout à côté, l’église Saint Martin a été fondée au XIII è sous le patronage de Saint Martin de Tours. Elle a été incendiée deux fois par les Anglais et reconstruite et même agrandie par l’ajout de chapelles latérales construites en 1513 par Robert Stuart. Abside, nef, transept du XIII è. Vitraux retraçant la vie de Saint Martin.
nous entrons par le portail sud :
Épitaphes :
Ci gist Fericle (???) Cisoigne fille de deffunct Me Pierre Cisoigne et Magdaleine Habruai jadis femme ses père et mèreet femme de honorable homme Me Esme Montagu qui deceda le dixième février 1588 Priez Dieu pour elle-même
Ci devant gist deffuct honnete personne sire Gilbert Babruay du vivant de luy merchnat bourgeois demeurant aubigny lequel decedda le premier jour d’aoult l’année 1532 il prie ceux et celles qui cy devant passeront de dire …. à l’intention de de luy et ses amis trépassés un de profondis pater noster et ave maria
Ci git deffunt Me Pierre Durant en son vivant licencié en lois et juge a aubigny fils de feu pierre durant et trepassa le dernier de decembre
ci git honette personne feu pierre durant le jeune en son vivant bourgeois et merchant à aubigny qui trepassa le dernier jour de may 1532
le portail ouest :
Le clocher porche du XV è, à l'ouest, était traversé par une voie de communication. Nous passerons dessous plus tard pour emprunter la rue Pousse-panier
la rue de l'église :
7 - La maison dite François I, au n° 1 de la rue du Bourg Coûtant
Poteau cornier décoré d’une charité de Saint Martin.
La date de construction est inscrite sur une banderole : 1519.
Décorations : première Renaissance : oves, perles, colonnes torsadées. Éléments gothiques : arcs en accolade décorés de choux frisés et fleurs de lisées, pinacles culots de forme prismatique, Aujourd’hui, c’est une galerie d’Art. Nous avons visité une exposition (photos à venir)
8 - rue Pousse panier qui mène au vieux marché où on vendait des œufs, des fromages, des volailles… La rue était petite et les femmes d’Aubigny avaient de grandes difficultés à atteindre les étals, d’où le nom de pousse panier.
fenêtres à meneaux
9 – Nous avons rendez-vous avec nos cousins au restaurant chinois, place du mail. Joëlle, notre cousine architecte, a fait les plans de ce restaurant.
G - Toujours dans la rue du Bourg-Coûtant, au n° 17, la maison du bailli.
Poteau cornier droit : initiales des seigneurs d’Aubigny : Robert Stuart et ses deux épouses ( Anne + 1516 et Jacqueline de la Queille).
Sur l’écu : armoiries de Robert Stuart (elles sont bûchées).
De chaque côté de la porte : à gauche, animal fabuleux à corps de poisson et à droite, portrait attribué d'après la tradition à Robert Stuart
11, en face, au n° 18, une ancienne auberge dite maison de Saint Jean. Porte charretière qui donne vers la cour. Galerie ouverte
à gauche la maison de bailli, à droite la maison saint Jean
12 – rue des Foulons : maison dite du Pont-des-Foulons, seule maison ayant échappé à l’incendie de 1512 car elle était près de la rivière. L’étage du mur gouttereau est divisé en travées en croix de Saint-André.
la Nère :
la rue des foulons :
13– place Adrien Arnoux
lucarne en guitarde
cheminée torsadée
14 – rue du Charbon
une quincaillerie très ancienne : la liste des propriétaires
des ruelles très étroites :
15 – Place de la résistance : château commencé sous Robert Stuart après l’incendie de 1512. Armoiries de Robert Stuart et Jacqueline de la Queille sur les solives et clés de voûte du châtelet d’entrée. La construction se termine en 1543. Le Centre d’Interprétation de l’Auld Alliance se trouve dans le Château des Stuarts. Le château abrite aussi la mairie d’Aubigny. Des jeux, des vidéos, des maquettes montrent les rapports entre la France et l'Écosse.
Sur la place, une gigantesque épée, plantée sur un rocher, dans une terre mêlée d’Écosse et de France, rend hommage aux milliers d’Écossais qui perdirent la vie pour la France.
le château, vu de l'extérieur :
vu de l'intérieur
un soldat écossais (dans le centre d'interprétation)
16- Jardins de Louise de Keroual.
Séquoia
spirée :
statue « Le passé et l’avenir » (1905), œuvre de Thérèse Quinquaud, élève d’Alfred Boucher puis de Rodin. C’était une commande de son cousin Joseph Caillaux (celui dont la femme assassina Gaston Calmette).
une exposition de photos dans le labyrinthe
17 - Dans les combles du château d’Aubigny, se tenait autrefois le musée Marguerite Audoux (1863-1937). Il a été déplacé à Sainte-Montaine, village où elle a été bergère, mais n’est pas ouvert le mardi. Après avoir été bergère, elle partit pour Paris pour y être couturière. En 1910, son premier roman, Marie-Claire, obtint le prix Fémina. Le magazine marie-Claire, fondé en 1937, année de la mort de Marguerite Audoux tire son titre du roman. Un lycée de Gien s’appelle Marguerite Audoux. Elle était amie de Mirbeau, Genevoix, Alain-Fournier, Gide…
Nous nous déplaçons donc à Sainte-Montaine, à quelques kilomètres à l’ouest d’Aubigny. Hélas, le musée est fermé. Le secrétaire de mairie nous conseille d’aller faire un tour à la source de Sainte-Montaine. Ce sera une visite rafraîchissante !
La légende raconte que Sainte Montaine serait une fille cachée de Pépin le Bref, abandonnée par son père et placée dans une ferme de la région. Elle aurait fait quelques actions bienfaisantes.
La Belle Fontaine est entourée d’une petite chapelle et d’un lavoir. Elle guérirait les rhumatismes, l’urticaire et aiderait à avoir des enfants.
Une autre légende dit que une servante qui revenait de la source cassa sa cruche. Furieuse, sa patronne la renvoyer chercher de l’eau avec un panier en osier. La servante pleura, ses larmes tombèrent dans la fontaine. Miracle ! Le panier se remplit sans perdre l’eau et, sur le chemin du retour, les ronces qui avaient fait trébucher la servante, avaient disparu.
Un autre écrivain de la Région , Claude Seignolle, qui a vécu dans la région
En fouillant sur le net, j'ai trouvé cet article qui m'a émue, on y parle d'une classe d'Aubigny qui a correspondu avec la "Marie La Louve" de Claude Seignolle. Leur professeur était une de mes anciennes élèves ! CLIC
1 commentaire -
Par bluesy le 2 Septembre 2022 à 23:50
Mais la journée n’est pas terminée : Nicole nous donne rendez-vous à 21 h 30 dans le jardin en face de l’hôtel pour nous raconter des histoires de sorciers et de birettes. Les carrefours étaient des lieux diaboliques, lieux de sabbats. Aux Etats-Unis, la légende dit qu’en 1930, Robert Johnson rencontra le Diable à un carrefour. Il lui vendit son âme contre le don de jouer divinement le blues (« Crossroads » était né!)
Mais revenons chez nos Berrichons. Autrefois, on pendait les sorciers aux carroirs (ce sont les carrefours). Par exemple en 1582, au Carroi de Marloup (carrefour des mauvais loups). Un enfant de treize ans, Bernard Girault, accusa cinq hommes et une femme de l’avoir ensorcelé. (lire « Les sorciers du carroi de Marlou » Nicole Jacques-Cgaquin et Maxime Préaud)
Pour assainir ces endroits diaboliques, l’Église y fait installer des croix de carrefours.
Certaines femmes, surtout les vieilles, étaient considérées comme sorcières parce qu’elles utilisaient des plantes médicinales pour soigner, d’autres avaient le don de “barrer le mal”. Leur expérience faisait peur aux gens, aux médecins en titre, il était facile de les accuser… (cela me fait penser au livre « Sorcières » de Mona Chollet. C’est aussi le thème de « La petite Fadette » (fadette = fée, sorcière)
Outre les sorciers, il y avait des meneux de loups, des laveuses de nuit, des feux follets, des lubins (ou lupins). Toutes ces créatures sont citées dans les légendes rustiques, André, Jeanne, romans de George Sand.
La chasse à baudet (ou bôdet) ou chasse-à-Ribaud est un bruit qu’on entend à n’importe quelle heure de la nuit. On dirait un nombre considérable de voix de chiens de différentes grosseurs et, par-dessus tout, la voix forte et grave d’un gros dogue accompagnant par intervalles égaux, ce concert discordant. Cela vous passe au-dessus de la tête à une très faible hauteur, mais on ne voit absolument rien. Cela suit, de préférence, les bas-fonds, les prairies, les lieux solitaires.
Pour conjurer le sort, il suffit d’un s de taupe ou trèfle à quatre feuilles cueilli par une vierge une nuit de Saint Jean. On peut aussi aller trouver un leveur de sort
Les lupins sont des animaux (« lubin » signifie grande bête) qui ont une haleine repoussante. lls se tiennent sur deux pattes et parlent entre eux leur propre langage, inconnu des hommes. Si un humain passe à leur portée sans les saluer, ils se mettent à quatre pattes et bondissent sur lui pour le dévorer.
Nicole nous lit la légende des lubins écrite par George Sand (« Légendes rustiques ») :
LUBINS ET LUPINS.
Les lupins (ou lubins) sont des animaux fantastiques qui, la nuit, se tiennent debout le long des murs et hurlent à la lune. Ils sont très peureux, et si quelqu’un vient à passer, ils s’enfuient en criant : Robert est mort, Robert est mort !
Maurice SAND.
Il ne faut pas trop regarder les grands murs blancs au crépuscule, encore moins au clair de la lune. On pourrait y voir la hure. En Normandie et dans plusieurs autres provinces, la hure se promène le long des treilles, on ne sait guère à quelle intention, si ce n’est pour empêcher les enfants d’aller voler le raisin. Elle serait donc au nombre de ces esprits gardiens qui descendent en droite ligne, ainsi que les autres fadets domestiques, des lares vénérés de l’antiquité.
Quoi qu’il en soit, la hure est fort vilaine et il y aurait de quoi mourir de peur si on s’obstinait à étudier son profil reflété sur les murailles. Les Grecs et les Romains avaient l’imagination riante ; ils peuplaient de charmantes divinités les arbres, les eaux et les prairies. Le moyen-âge a assombri toutes ces bénignes apparitions. Le catholicisme, ne pouvant extirper la croyance, s’est hâté de les enlaidir et d’en faire des démons et des bêtes, pour détourner les hommes du culte des représentants de la matière.
Cependant, il n’a pas réussi à les rendre tous haïssables et pernicieux, et bon nombre des esprits de la nuit sont demeurés inoffensifs. C’est bien assez qu’ils aient consenti à revêtir des formes bizarres et repoussantes qui les empêchent de séduire les humains.
Les lubins sont de cette famille. Esprits chagrins, rêveurs et stupides, ils passent leur vie à causer dans une langue inconnue, le long des murs des cimetières. En certains endroits on les accuse de s’introduire dans le champ du repos et d’y ronger les ossements. Dans ce dernier cas, ils appartiennent à la race des lycanthropes et des garous, et doivent être appelés lupins. Mais chez les lubins, les mœurs s’adoucissent avec le nom. Ils ne font aucun mal et prennent la fuite au moindre bruit.
Cependant, il ne vaudrait rien de s’aboucher avec eux. Ils ont un certain mystère à l’endroit de Robert-le-Diable ou de tout autre Robert dont on n’a pu saisir la légende, et ce mystère a peut-être pour châtiment l’humiliation d’une figure horrible et l’angoisse du perpétuel tourment de la peur.
Sont-ils les descendants des fameux frères lubins et loups-garous de Rabelais ? Qui sera assez épris de ces recherches étymologiques pour aller de leur demander ?
Je ne sais si c’est aux lupins que le petit tailleur bossu de Saint-Bault eut affaire. On le croirait, d’après les circonstances de son histoire. La voici telle que j’ai pu la recueillir.
Un soir que notre bossu passait le long du cimetière, il y vit une bande d’esprits en forme de laides bêtes qui ressemblaient à des chiens noirs ou à des loups et que, pour faciliter notre récit, nous appellerons lupins bien qu’ils ne nous aient été désignés sous aucun nom particulier. Soit que ces esprits-bêtes fussent d’une race plus hardie que les lubins et lupins ordinaires, soit que le tailleur fût si laid, si laid, qu’il ne leur fit pas l’effet d’un chrétien, ils ne bougèrent tout le temps qu’il passa devant eux. Ils se contentèrent de le regarder avec leurs yeux qui brillaient comme du sang de feu, et à ouvrir leurs vilaines gueules qui avaient si mauvaise haleine que le tailleur en fut empesté.
Pourtant, comme il avait grand’peur, ne les ayant aperçus que lorsqu’il était au milieu de la file, et qu’il avait autant de chemin à faire pour reculer que pour avancer, il n’osa point risquer de les offenser en se bouchant le nez ; il passa en faisant le gros dos, encore plus qu’il n’en avait l’habitude.
Ce dos courbé plut aux lupins, qui s’imaginèrent que c’était une manière de les saluer, et comme ils n’ont pas l’habitude de voir des gens si honnêtes avec eux, ils en furent fiers et se mirent à tirer tous la langue et à remuer la queue comme des chiens, ce qui est apparemment aussi pour eux un signe de contentement et de fierté.
Le tailleur essaya de raconter son aventure ; mais tous ses voisins se moquèrent de lui, disant qu’il pouvait bien rencontrer le diable en personne et le faire fuir, vu qu’il était encore le plus vilain des deux.
Comme notre bossu allait en journée à une métairie qui était à trois bonnes portées de fusil du village, et qu’il avait à revenir par le chemin qui longe le cimetière, il se sentit envie de coucher où il était. Mais le métayer lui dit en ricanant : « Non pas, non pas, tu es un compère trop à craindre pour les femmes d’une maison, je ne dormirais pas tranquille, te sachant si près de mes filles. Si tu as peur pour t’en aller, un de mes gars te fera la conduite. Bois un coup en attendant, car quand ton aiguille s’arrête, ta langue trotte d’une façon divertissante et l’on a du plaisir à écouter ta babille. »
En effet, le bossu était beau diseur et plaisant. Le vin du métayer était bon, et notre homme s’oublia jusqu’à dix heures du soir en si bonne compagnie. Quand il fallut s’en aller, il ne se trouva personne pour le conduire, tous les gars dormaient debout et, quant à lui, il se sentait si bien réconforté par la boisson, qu’il ne craignit plus de se mettre seul en route.
Il arriva sans peur jusqu’au grand mur, se persuadant qu’il avait rêvé ce qu’il avait vu la veille et regardant de tous ses yeux, avec la confiance qu’éclaircis par le vin, ils ne verraient plus rien que l’ombre des arbres, jetée sur le mur blanc par la lune et agitée par l’air de la nuit.
Mais il vit les lupins dressés debout devant le mur, absolument comme la veille. Allons ! se dit le pauvre bossu, ils y sont encore ! Tant pis et courage ! S’ils ne me font pas plus de mal qu’hier, je n’en mourrai pas. Et il se mit à siffler une chanson, pensant que ces bêtes, ravies de l’entendre, se mettraient en frais de politesse avec lui, en tirant la langue et remuant la queue.
Mais ce sifflement, loin de les charmer, paru les inquiéter beaucoup, car l’un d’eux se détacha de la muraille, se mit à quatre pattes et, le suivant, encore qu’il marchât vite, le flaira à l’endroit où les chiens ont coutume de se flairer les uns les autres, pour savoir s’ils doivent être ennemis ou compagnons.
Puis vint un second qui en fit autant, et un troisième, et un autre, et tous l’un après l’autre ; si bien qu’avant d’avoir dépasser le mur, le tailleur avait toutes ces bêtes à ses braies et ne sachant point si elles le voulaient manger ou fêter, il sentait ses jambes devenir molles comme des pattes de cousin. On pense bien qu’il n’avait plus envie de siffler ni chanter. Cependant il avançait toujours, ayant ouï dire que ces bêtes ne quittaient pas la longueur du mur où elles avaient coutume de faire la veillée, et il n’avait plus qu’environ cinq ou six pas à franchir, quand elles se mirent toutes devant lui, debout, grondant, puant la rage, et montrant des crocs jaunes à faire lever le cœur.
— Messieurs, Messieurs, laissez-moi passer, dit le pauvre tailleur en détresse. Je ne vous veux point de mal, ne m’en faites donc point.
Mais les lupins grognaient de plus belle et même rugissaient comme des lions. Il semblait que la voix humaine les eût mis en grand émoi et en mauvaise colère.
Tout à coup, le tailleur eut une idée : — Messieurs, fit-il, ne me mangez point ! Je suis maigre et vilain comme vous voyez ! Si vous m’épargnez, je jure de vous apporter ici, demain, un mouton gras dont vous vous lécherez les babines.
Aussitôt les lupins se remirent sur leurs quatre pattes sans mot dire, et le tailleur passa, toujours courant, sans regarder derrière lui.
Il se jeta au lit, tout transi de peur, et eut la fièvre huit jours durant sans pouvoir sortir du lit, battant la campagne, et toujours s’imaginant de voir des loups ou des chiens enragés après lui, si bien qu’on fit venir Monsieur le Curé, pour tâcher de le tranquilliser.
Mais quand le curé l’eut confessé de sa peine et bien grondé d’avoir été si lâche que de promettre un bon mouton à ces sales diables, on entendit autour de la maison du tailleur des hurlements abominables, et tout le village put voir sur les murs de cette maison, non pas le corps des lupins, ils n’eussent osé venir si près d’un lieu où était le curé de la paroisse, mais leur ombre si bien dessinée que les cheveux en dressaient sur la tête et que le sang était glacé dans le cœur. On eût dit que cela passait en nuages sur la lune, et on les voyait remuer, sauter, gratter la terre et se mordiller les uns les autres, en figures aussi nettes qu’une image peinte, sur le pignon du tailleur, voire sur les maisons voisines.
Et cela revint tous les soirs durant toute la semaine, de quoi tout le monde, et mêmement M. le Curé, fut très effrayé.
Pourtant le bossu, qui n’était pas bête, voyant qu’il y avait là de la diablerie et que les exorcismes de Monsieur le Curé ne pouvaient rien contre des apparences qui n’avaient point de corps, résolut d’attirer les lupins en personne au moyen d’un piège, et dès qu’il fut en état de se lever, il se fit prêter un beau mouton gras qu’il attacha le soir, devant sa porte. Puis ayant prévenu le Curé de se tenir là tout prêt avec son goupillon et tous les voisins de se cacher sous le buisson de son jardin, avec leurs fusils bien chargés de balles bénites, il commença de faire bêler le mouton en lui montrant de la feuille verte, placée trop loin de lui pour qu’il pût y toucher.
Alors les lupins entendant cela, ne purent se tenir de quitter leur mur et de venir, à petits pas de loups, jusqu’en vue de la maison, où ils furent si bien reçus qu’ils se sauvèrent tous, sauf une vieille femelle qui reçut une balle dans le cœur et tomba par terre en criant d’une voix humaine : La lune est morte, la lune est morte !
On ne sut jamais ce qu’elle avait voulu dire, sinon qu’elle avait une lune blanche au front et que, dans la bande, elle portait peut-être le nom de la lune. On lui coupa la tête et les pattes qui ont été vues longtemps clouées sur la porte du cimetière de Saint-Bault, et où jamais les lupins n’ont osé reparaître depuis.
IL faisait nuit quand nous regagnâmes notre chambre, sans problème toutefois, sans rencontrer les lubins ou les laveuses de la nuit, ces mères infanticides qui lavent et relavent sans cesse ce qui semble des linges mais qui sont les cadavres de leurs enfants. Brr...
Le lendemain, nous sommes allés dans le bois de Chanteloube (cela signifie « chantent les loups »). Il était tellement redouté qu’on n’y pénétrait pas la nuit sous peine de ne pouvoir en sortir qu’au petit matin. On tourne, on tourne, sans pouvoir retrouver son chemin. Vous avez reconnu le lieu du roman « La mare au diable ». George Sand a écrit ce roman en quatre nuits. À noter que dans ce roman, George Sand met en scène une de ses domestiques, Françoise Meillant, qui servit de modèle à Delacroix pour son tableau « L’éducation de la Vierge ».
D’habitude la mare (qui a été coupée en deux par le chemin, a un peu d’eau. On entend les grenouilles. Ce jour-là, elle était à sec.
Clic sur la photo pour lire cet extrait de La mare au diable.
une vidéo racontant les laveuses de nuit
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Par bluesy le 1 Septembre 2022 à 22:29
Nous quittons la maison de George Sand en direction de Verneuil-sur-Igneraie, à une dizaine de km au nord de Nohant.. Nous passons devant le château de Saint-Chartier où George Sand a situé son roman « Les maîtres sonneurs »
Les grilles du château du Petit-Coudray s’ouvrent devant nous et nous sommes reçus par Lydie et Pierre Rauzy, les propriétaires. Ils nous ont préparé du jus de pomme, de l’eau, des chaises. Cela fait un bien fou, il fait si chaud ! (33°). Ils nous racontent leur histoire et l’histoire du Petit-Coudray.
Il y a plus de 40 ans, ce couple d’instituteurs, lassé de la vie dans la région parisienne, cherchait une maison dans le Berry. Ils ne trouvaient rien, ce qui était à vendre ne leur plaisait pas, ce qui leur plaisait n’ était pas à vendre. Un jour, le notaire leur proposa de monter à Verneuil. Ils furent immédiatement emballés par ce « château », plus exactement un manoir, une maison forte. La bâtisse était inoccupée depuis 50 ans et promise à la destruction. Ils ont investi tout leur argent, tout leur temps libre, toute leur énergie pour faire les travaux. Il n’y avait pas d’eau, pas de chauffage, les toitures fuyaient… Il y a encore beaucoup de travaux à faire...
la façade nord
au sud :
La bâtisse est une ancienne capitainerie du XV è siècle. C’était un poste avancé de la Vallée Noire, terme donné par George Sand en référence aux soirs d’orage. Et c’est là que l’histoire du château rejoint le thème de notre voyage : il avait été acquis en 1808 par Charles-Nicolas Robin-Duvernet, receveur à La Châtre et ami des Dupin de Francueil. Les enfants, Aurore Dupin et Charles-Benoît Duvernet, ont noué une forte amitié. Charles-Benoît a écrit ses Mémoires et décrit la maison ainsi :
« Le bâtiment primitif, tel qu’il a été livré à mon père, se composait d’une cave, faisant actuellement le salon, et d’une grande cuisine sombre avec une seule fenêtre. Un escalier extérieur en pierre qui aboutissait sur le rudiment d’une tourelle carrée abattue et servant de plate-forme conduisait aux appartements du haut. C’étaient deux immenses chambres, séparées par un mur de refend, et qui toutes deux venaient aboutir sur le balcon, qui primitivement avait été une tour servant d’accès aux deux étages.
Primitivement, il n’y avait aucune ouverture dans les pièces du bas autre que la porte d’entrée dans la tour et les pièces du haut n’étaient éclairées que par des couleuvrines et des fenêtres grillées et fermées par des barres de fer. C’était évidemment une espèce de blockhaus servant à balayer la contrée et reliant les châteaux de Saint Chartier et de La Berthenoux.
Il existait une énorme fosse qui prenait son point de départ à l’énorme pin qui domine la pelouse et qui se prolongeait jusque vis à vis le cognassier, dont elle n’était séparée que par la largeur du chemin. C’étaient les restes des fossés qui avaient dû entourer l’habitation. »
Quand il a hérité de la maison, Charles-Benoît a fait percer des ouvertures sur la façade sud. Le 30 juillet 930, Aurore Dupin Dudevant, qui ne s’appelait pas encore George Sand, est invitée au Petit Coudray. Il y avait là Gustave Papet, Fleury, et un jeune homme qu’elle ne connaissait pas, Jules Sandeau. Elle a 26 ans, il a 19 ans. Aurore invita tout le monde ( « Je dis bien tout le monde ») à lui rendre visite à Nohant le lendemain. Jules Sandeau repartit à Paris à la fin de l’été et après quelques scènes orageuses avec son mari et la découverte d’un testament outrageant pour elle, Aurore obtient de son mari d’aller vivre six mois à Paris. Elle y retrouve Jules Sandeau, écrit des articles de journaux avec lui, revient à Nohant et écrit « Indana ». En 1832, elle prend le pseudonyme de George Sand. Jules Sandeau et George Sand se sont écrit entre 20 à 25 000 lettres. Elle rompt en 1833 suite à une infidélité de Jules Sandeau dont elle ne supporte plus les défauts.
les site du Petit-Coudray : CLIC
TRès intéressant, vous y trouverez notamment les biographies des amis de George Sand.
3 commentaires -
Par bluesy le 26 Août 2022 à 20:51
jardin, cimetière, parc : CLIC
maison, rez-de-chaussée : CLIC
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Nous montons au premier étage.
En face de l’escalier, un petit cabinet de travail servait au classement des archives et des collections de sciences naturelles. Elle collectionnait les minéraux, fossiles, insectes, animaux empaillés...
La chambre bleue est la dernière chambre de George Sand. Elle l’a occupée de 1867 à 1876. C’est là qu’elle est morte le 8 juin 1876, d’une occlusion intestinale. Elle avait fait installer un lit médicalisé devant la fenêtre. Avant, elle avait été occupée par Alexandre Manceau de 1852 à 1864 et après la mort de George Sand, elle est occupée par Aurore Sand-Lauth, jusqu’en 1910.
La bibliothèque était à la disposition de la maisonnée.Il y avait 8000 ouvrages, il en reste peu.
C'était une sorte de cabinet d curiosités.
Nous repassons devant le cabinet de travail vu tout à l'heure mais du côté des fenêtres.
On ne visite pas les chambres côté nord, elles sont vides, les meubles ont été vendus par Lina.
Quand Chopin était dans la maison, la bibliothèque et le cabinet de travail n’existaient pas, c’était sa chambre, de 1839 à 1846. Il y dormait, y prenait son petit-déjeuner, écrivait (il écrivait beaucoup à Varsovie). Il jouait sur un piano prêté par Pleyel et composait, par exemple "La valse du petit chien" c'était le bichon Marquis qui s'attrapait la queue). Tous les ans, on montait un nouveau piano.
Solange et son mari Clésinger ont des problèmes d'argent et George refuse d'hypothéquer la maison, un début de rixe éclate entre Maurice et Clésinger qui est chassé à coups de fusil. Chopin prend le parti de Clésinger, ce qui ne plaît pas à George Sand.
À son départ, la chambre est devenue salle de travail puis a été divisée en deux par une cloison pour donner deux salles : le cabinet de travail et la bibliothèque. Dans ce bureau, George Sand travaillait la nuit. Elle avait fait enlever tout ce qui avait appartenu à Chopin, Il ne reste que les portes capitonnées qu’il avait fait installer pour ne pas être dérangé par les bruits de la maisonnée.
La chambre de Gabrielle. Avant, c’était la chambre de George avant son mariage puis après sa séparation avec son mari en 1837. Elle quitte définitivement cette chambre en 1867 pour la chambre bleue. Puis ce fut la chambre de Gabrielle de 1892 à sa mort en 1909 et ensuite la chambre d’Aurore Lauth-Sand de 1910 jusqu’à sa mort en 1961. La déco est le choix de Gabrielle, passionnée d’Extrême-Orient. Aurore avait enlevé cette décoration japonisante qui a été remise dans les années 1990, d’après des photos prises par Gabrielle.
Aurore est décédé à plus de 5 ans. Elle a légué la maison à l'État.
le boudoir de Gabrielle
Nous n’avons pas visité toutes les chambres, par exemple la chambre de Lina qui était auparavant la chambre du précepteur Deschartres. puis un atelier pour Maurice.
chambre de Lina (photo internet) :
une autre pièce, je ne sais plus ce que c'était :
Dans le poulailler, George Sand élevait des poules de collection. Elle correspondait avec Charles Jacque, habitant Barbizon. Cet homme a écrit des monographies sur l’élevage de la volaille et il vendait des œufs de poules sélectionnées. Actuellement, des poules noires du Berry ont été réintroduites dans l’ancien pigeonnier.
Petite fille, Aurore se crée un ami imaginaire, Corambé, dieu de la nature, auquel elle voue un culte dans le petit bois, en grand secret. Elle orne l’autel avec des fleurs, du lierre, de la mousse, des nids… Des animaux sont capturés puis relâchés. Un jour, Liset, un petit voisin, découvre le secret et Aurore détruit l’autel. George Sand raconte cela dans « Histoire de ma vie». Il y a 30 ans, une statue a été installée par la plasticienne Françoise Vergier.
Il faisait chaud quand nous avons visité Nohant et nous n’avons pas eu le courage d’explorer le bois, préférant boire une boisson fraîche au salon de thé et acheter un livre « Qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Ou la rencontre de George Sand et Louise Michel (de Mariecke de Bussac) !
Un jour peut-être, nous retournerons à Nohant pour rester la journée dans le domaine, avec une pause restaurant à l’auberge de La Petite Fadette où nous avons déjeuné le samedi midi.
C’est Aurore Sand-Lauth qui a fait don de la propriété à l’État.
Pour terminer cette visite de Nohant, cliquez sur cet article qui résume tout de la poésie du site.
3 commentaires -
Par bluesy le 24 Août 2022 à 10:53
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Vinciane Esslinger, conférencière au domaine de Nohant, nous ouvre la porte de la maison.
Nous plongeons dans la vie de George Sand grâce à Annick, Vinciane et Nicole.
Au décès de sa grand-mère Aurore de Saxe, la jeune fille a 17 ans. Elle hérite d’un domaine de 250 ha. Pour échapper à l’emprise maternelle et obtenir son indépendance, le 17 septembre 1822, elle se marie avec le baron François Casimir Dudevant. Ils s’installent à Nohant, ont deux enfants, Maurice et Solange. Elle s’aperçoit vite que Casimir est grossier et qu’ils n’ont pas les mêmes goûts. La rencontre avec Jules Sandeau, son amant, démarre sa vie littéraire mais elle serait devenue artiste même sans lui.
Dudevant et elle se séparent en 1836 et elle obtient de son mari l’autorisation de vivre la moitié de l’année à Nohant et la moitié à Paris où elle habite chez un ami d’enfance, Charles Duvernet. En 1831, elle s’est lancée dans « le grand fleuve de la littérature ». Elle écrit en collaboration avec Jules Sandeau (on nous reparlera de Charles Duvernet et de Jules Sandeau en fin d’après-midi, lors de la visite du Petit-Coudray).
Son mari doit partir de Nohant, avec une indemnité compensatoire. Grâce à l'avocat Michel de Bourges,lle obtient la garde des enfants, maintenant c’est elle qui a l’autorité et la gestion de Nohant.
Elle porte une redingote, se fait couper les cheveux, fume le cigare, monte à cheval comme un homme, met un chapeau de feutre et prend le pseudonyme de George Sand. À cette époque, pour avoir le droit de porter le pantalon, il fallait une autorisation pour « travestissement » (même chose pour Rosa Bonheur).
Elle habite quai Malaquais, rompt avec Jules Sandeau, a d’autres amants, Mérimée, Marie Dorval, Musset. Avec Musset, elle va à Fontainebleau, se promène dans les gorges de Franchard, va à Venise. Amours compliquées, passionnées, ils finissent par se quitter.
Sa vie professionnelle est très riche. Son premier roman « Indiana » est un gros succès. Elle écrira environ 70 romans, et en plus des articles journalistiques et des pièces de théâtre. Elle a fondé plusieurs journaux, elle gagne beaucoup d’argent.
George Sand s’installe définitivement à Nohant en 1847. Il fallait 8 heures pour aller de Nohant à Paris et les allers-retours devaient être épuisants. Depuis, la maison a subi de nombreuses transformations et améliorations décidées par George Sand et ses descendants.
La porte de la maison s’ouvre sur un petit vestibule et un grand escalier.
Sur le mur du vestibule, est accroché un tableau de sa petite-fille Aurore Sand-Lauth, la dernière descendante (peint par Vicente Santaolaria).
Dans les niches des murs de l’escalier, il y a un buste de George Sand par Aimé Millet, et un buste de La Malbran, sœur de Pauline Viardot, une habituée de la maison.
Le décor a d'abord été fait par Manceau, il a été refait sur le thème "aurore boréale" après le don de la maison par Aurore.
La cuisine est l’âme de la maison. C’est le domaine des domestiques, mais aussi de George qui aime cuisiner, par exemple les confitures de prunes. Il y avait beaucoup de domestiques, une dizaine, plus un cocher, un jardinier. Le soir, ils rentraient chez eux. On vivait en autarcie, en élevant des volailles, porcs, lapins. Les domestiques restent un an, reçoivent leurs gages et choisissent de partir ou rester.
George Sand et sa famille assistaient aux mariages des domestiques.
pour appeler les domestiques, un système ancien !
Un système plus moderne, avec boutons
Près d’une fenêtre se trouve un « potager », sorte de fourneau où l’on mettait des braises pour des cuissons lentes. En dessous, il y avait un cendrier pour récupérer les cendres utilisées pour la lessive.
George Sand prenait grand soin des domestiques. En 1850, elle a acheté une cuisinière, investissement cher mais très innovant et plus pratique pour le personnel. Il y avait deux bacs pour l'eau chaude et quatre foyers. George aimait beaucoup les omelettes aux écrevisses mais tout le monde a été malade.
Une petite cuisinière, plus moderne, a été achetée plus tard par sa fille Solange.
au coin de la table, l'endroit où l'on cassait les noix
Parmi les domestiques, il y avait Marie Caillaud dite Marie des poules ainsi nommée pour la différencier de la cuisinière qui portait le même prénom. Marie ira chercher les œufs au poulailler mais apprendra aussi à lire, à écrire, à parler correctement, à jouer la comédie. Une pièce de théa^tre a été créée par Gérard Savoisien. Il y avait aussi Jean Henri Brunet qui était tout le temps saoul et paresseux mais George Sand lui pardonnait car il était amusant.
Nous passons dans la salle à manger. C’est la pièce centrale du rez-de-chaussée et elle s’ouvre par une porte-fenêtre sur un perron et le parc. Le magnifique lustre est en verre de Murano, dans les tons de bleu, la couleur préférée de George Sand.
En 1834, lors de son voyage à Venise avec Musset, elle tombe malade. Pendant ce temps, Musset se promène et n'est guère fidèle. Puis Musset tombe malade à son tour, elle fait venir le Docteur Pagello et en tombe amoureuse ! Elle reste à Venise, Musset rentre à Paris. Ils se réconcilient, se séparent à nouveau, renouent puis se séparent définitivement. De retour à Paris, George Sans s'est acheté deux lustres vénitiens aux enchères.
La table est dressée comme pour un repas de l'été 1844. Sur la table se trouvent des assiettes en porcelaine de Creil-Montereau et des verres jaunes et bleu en cristal, offerts par Chopin. Le dallage a été refait d’après la description faite par George Sand en 1869. La chaleur du calorifère s’évacue sous la table, ce qui permet aux invités de se réchauffer pendant le repas. On ne reste pas longtemps à table.
Sur la table se trouvent des assiettes en porcelaine de Creil-Montereau et des verres jaunes et bleus en cristal, offerts par Chopin. Le dallage a été refait d’après la description faite par George Sand en 1869.
La chaleur du calorifère s’évacue sous la table, ce qui permet aux invités de se réchauffer pendant le repas.
George Sand aimait recevoir ses amis, Franz Liszt et Marie d’Agoult, Delacroix, Chopin, Pauline Viardot, Théophile Gautier, Flaubert (il lui disait "Vous qui êtes du troisième sexe"), Tourgueniev. Balac disait :"J'ai trouvé la camarade Sand fumant le cigare après le dîner. Elle avait doublé son menton comme un chanoine... Elle n'est pas aimable... Elle est garçon !"
Ils arrivaient mi-mai et partaient fin octobre.
Sur la table, on a mis les noms de cette table de l'été 1844 :
Hippolyte Chatiron (1799-1848), son demi-frère, car fils de Maurice Dupin et d’une domestique, Catherine Chatiron. Aurore de Saxe congédia la domestique mais fit élever l’enfant par Jean Louis François Deschartres, également précepteur du père et de la demi-sœur.
Solange Dudevant, la fille de George. Les relations mère et fille étaient, semble-t-il, parfois tendues.
Maurice Dudevant, le fils chéri de George. Marionnettiste, entomologiste, peintre, écrivain, il était doué en tout ! Il a été, un temps, l’élève de Delacroix. C’est le personnage principal (joué par Arnaud Denis) avec Marie Caillaud, dite « Marie des poules » (jouée par Béatrice Agenin) dans la pièce de Gérard Savoisein. Pauvre Marie des poules, c’est moins facile de gagner sa liberté quand on est domestique que quand on est baronne Dudevant !
Eugène Delacroix est venu trois fois à Nohant.
Frédéric Chopin, surnommé Chip Chip, amant de George, compose beaucoup quand il est à Nohant. Sa sœur Louise est venue aussi avec son mari et est restée trois semaines. Chopin et George se sont rencontrés chez Liszt et Marie d’Agoult. Ce ne fut pas vraiment le coup de foudre. Chopin dit « Qu’elle est antipathique cette Sand. Est-ce bien une femme ? J'arrive à en douter» Finalement Chopin viendra régulièrement à Nohant de 1838 à 1847, date de leur rupture.
Pierre Le Roux, imprimeur. De 1838 à 1844, les ouvrages de George Sand, « Consuelo », « Jeanne », reflètent l’influence de Pierre Leroux, socialiste. C’est Sainte-Beuve qui présente Pierre Leroux et Lamennais à George Sand. En 1840, George fonde avec Pierre Leroux le mensuel « La revue indépendante », ce qui cause un différend avec son éditeur François Buloz, directeur de la Revue des Deux mondes. Le premier numéro paraît en novembre 1841. En 1844, Leroux s’installe à Boussac dont il deviendra plus tard le maire et fonde une communauté (imprimerie et ferme). Il défend le vote des femmes en 1848. Ils finissent par se fâcher.
Pauline Viardot était cantatrice comme sa sœur La Malibran. Elle est venue cinq fois.
Gustave Papet , son ami d’enfance. Médecin, il soignait les malades gratuitement. George Sand lui dédie Mauprat.
Au mur, un tableau de Delacroix "Lelia", roman de George Sand
Nous passons dans le salon
les murs sont décorés des portraits des membres de la famille : Maurice de Saxe, arrière-grand-père de George
marie-Aurore de Saxe, fille naturelle de Maurice de saxe, et grand-mère de George
Louis Dupin de Francueil, mari d'Aurore de Saxe et grand-père de George :
Maurice Dupin de Francueil, père de George Sansd
Maurice Sand, fils de George
Solange, fille de George Sand
George Sand par Auguste Charpentier.
par Nadar :
Aurore Sand-Lauth. Au-dessus Maurice Dupin de Francueil ? et Solange Dudevant ?
Lina ?
Les meubles sont ceux d’Aurore de Saxe. La grande table en merisier a été faite exprès pour que les gens puissent jouer aux échecs et autres jeux. C’est un meuble tout simple mais c’est là qu’on se réunit. On faisait aussi la lecture à haute voix, des travaux d’aiguilles. George Sans a écrit « Autour de la table ». Elle la compare à une école « âme de la maison ».
Il y a aussi un piano Pleyel acheté en 1849(il n’a donc pas été utilisé par Chopin).
Flaubert est venu deux fois dans ce salon, la deuxième fois c'était à la mort de George Sand, il dit qu'il a "pleuré comme un veau".
Nous passons dans la chambre d’Aurore de saxe, appelée « la chambre rose ». Les autres chambres sont à l’étage. Aurore de Saxe l’occupa jusqu’à sa mort et George Sand l’occupa ensuite jusqu’en 1837. Plus tard, George l’utilise comme chambre d’amis, par exemple Delacroix ou Litz puis comme chambre d'amis. Lit à la polonaise.
écran brodé par George Sand pour éviter la chaleur du feu.
Ce buste sculpté par Houdon représente Lina Calamatta, arrière-petite-fille de Houdon et filleule d’Ingres. C’est elle qui deviendra la femme de Maurice. George Sand l’aimait beaucoup et l’appelait sa fifille.
À côté, se trouve le boudoir où nous n’entrons pas car il est trop petit. C’est là que George Sans reçoit. Elle l’utilise comme bureau la nuit. Quand elle fait chambre à part avec son mari, elle s’installe dans cette pièce pour surveiller ses enfants qui sont dans la chambre rose. Elle écrit : « Ce petit boudoir était si petit qu’avec mes livres, mes herbiers, mes papillons et mes cailloux, il n’y avait pas de place pour un lit. J’y suppléais par un hamac. Je faisais mon bureau d’une armoire qui s’ouvrait en manière de secrétaire et qu’un cricri (grillon) que l’habitude de me voir avait apprivoisé, occupa longtemps avec moi". Ce grillon, elle l'a enterré dans le jardin.
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